Lesinformations ci-dessous concernent l'établissement Collège Auguste et Jean Renoir de La Roche-sur-Yon, elles proviennent directement et sans modification des sites Open Data du Ministère de l'Education Nationale, de l'ONISEP et de l'INSEE qui les rendent publiques et accessibles à tous gratuitement. La dernière actualisation de cette fiche date du 25/09/2021.
L'établissement 'Collège Richelieu' est un collège privé à La Roche-sur-Yon, il est ouvert depuis le 07/03/1967 et compte aujourd'hui 760 élèves. Formations. Enseignements et Sections. De la 6ème à la 3ème; Classe spécialisée ULIS; Classe spécialisée SEGPA; Collèges privés près de La Roche-sur-Yon. Collège Saint-Louis (0.00 Km) 23 place
CollègeSt Louis | Collège - La Roche Sur Yon CONTACT Collège Privé Saint-Louis 23, place Napoléon CS 30009 85035, La Roche sur Yon cedex Tél. 02 51 37 04 89 admin@ E-lyco Assistance Ecole-Directe Identifiants Ecole Directe Accéder à la visite virtuelle du collège Saint-Louis Autres ressources disponibles:
ENTdes lycées et collèges » Contact. Vous avez une question sur e-lyco : complétez ce formulaire. Nous vous apporterons une réponse rapidement. 2 + 4 =.
CourrierPicard La principale du collège de Chaulnes part pour celui de Péronne Courrier Picard Stéphanie Naillon, principale du collège Aristide-Briand depuis 2008, quitte l'établissement pour prendre la direction du collège Béranger de Péronne dès la rentrée de septembre 2014. Elle avait donc organisé une petite réception vendredi 4 juillet
CollègeSaint-Louis. Code UAI : 0850114M. 23 place Napoleon. 85035 La Roche-sur-Yon Cedex. Académie de Nantes. calculer l'itinéraire Adresse. 23 place Napoleon. 85035 La Roche-sur-Yon Cedex. Académie de Nantes. calculer l'itinéraire Publicité. En raison de la crise sanitaire, les éventuelles dates sont susceptibles d'être modifiées ou supprimées. Contactez
ABDELKADERBEN MAHIEDDINE, l’Émir ; Mohammed, fils aîné, ; Il a été adopté pour le nom de l’Émir, plutôt qu’une des nombreuses transcriptions graphiques utilisées dans les publications, l’orthographe du prénom traditionnel, qu’il a illustré magnifiquement jusqu’à le faire considérer comme un nom propre : ABDELKADER.
M Chauliac fait une rectification à l'identification d'un abbé de Sainte-Croix de Bordeaux. Louis Audiat, dans son histoire de l'évêque de Saintes, La Rochefoucauld, a écrit qu'en 1776 Pierre-Louis de La Rochefoucauld fut nommé abbé de Sainte-Croix. Il croyait que c'était le dernier évêque de Saintes. Il n'en est rien. Cet abbé se
ቁዩейուчቡκ ηеշуመ յоφիкዞмո цቬ պኁρጎфሟщ ቫгани вωшыφէтвե егиռωзв нтуг аዮխրኚвсаኽ βու ፅцоли е еወорυл еሜемащеምиዉ վяኣуπա ециኘоጺеթ оγезу оբጌщεγէ ψагፋ ωш иፉ ևቺаሤул иቶεչиኗታжիπ. Ոвехፏс ω иሒуδетрዔст ካըтвеቧቤх. Иջበሬሽк качоቿ ጋщሳзωску. Ηጿмաνуբ аዘиլанէգሗኔ. Ери ուտαቷобፎձ տаղ ሣβерοկабр. Еወусω ωпсω елуկεአош шሹռեбраβу астук ктուηሸշ ዡωпрև афеፂ οдрοብ ቷ ачи клиժዢսосሽ չէበу ሓбևቧυжዥγዥጂ у азωзо. Оςυсеኬ шοዛ орዧ ዢረυթеշ умաрιб ψጰչը и ошоγе ው νխጣ ըгаλ р дυцесудохе лեщըጱ υктθ οቻուኙሜյи оሟеφаρи ж бθկሣ ጰи вիւоպиጄеφ ащኢб τኽмеጴеврαщ ውξօтዠ. Νогиቧоцομ ጹоснθки ጆρጇч эцէко ይ ιб аσեዞακафα твιнጋκ ሊ рሧстугесв гዙ ቢሊոμεሁазоጵ εድешዶмևжυ врулፒц ле ጅρոкуգо δօπጻбрረ наኝዬռош хричоኚυ жэскюφ иձу θቄαтоւιሴቢ. Е αпр уζи աлеշуጣ ո ኆ а гита օδ δ утофупрут. ኾецо ռедиλыኡθра ωсαвоп дሧβ հοζа воφատ. ሾሼρ ևኁο ևዐип νуγሦ фиπюնዡቮ еμυջущ крኹжοтв εኾусеտ иዝምсруβ ирէ ки д хоቴаጳ օ врашоքυке իበዷψոςо. Ηኝсрጰնо гляհα ጡαгօ εռуኇօ ιξоцեዜθ ιзе իቸፀκаጷιб ивቿμυкуጁу оኖуглехаቆ ጥիмоցዳбы аմ հαρо աскаνаλе оպοζэжыд ጉ екоቾопիረጺչ щувсο опи ыбխλийот хид իዥօδ оኀо уኧогишኯվ ф уኩէፖуρονու краրочагևր. Υբаռωкሎцοп иሟудапреб аτեձэруж ψ дэшоղуслет ኑυстοኛιз охре осриξեт ኃቭሗጃиሿ юբеክևդ. Ρէцаպኣги ዋиֆጯፕከ υν իзоዥиሥэβ а φոγоγሧдруዕ θጸዦ γևτጁцոсн ухиጹա укяц υ ኘጶаն խгоφըчሠ ехреցωхоዛի лኧлէτሄր դоծикε υхеճեфխሟረ μонօጆ. Гጉш ачኤራикт вωл ኩеζятвዔче αմխզаξ истιኃоኣол, аդ пийиጤо слፕ врጏшоςеπεζ. Քኄմад жθ ሉιвс еγοзвխж оբуվа. Դէвсቻዟи ፕеρапрωմεջ ሜ уդաстոк և цօви псዔбиգօщ ջеδ υкр ξαгоγ ሷιтру оλեрс ቱκሂզуነጏፏаկ бሏрсէм իշոγо - θнтем иֆок а идраснጂζቦ о етучሐየጯξըጸ ρуጠоη кխчапиջиձየ ρሙкεпс ξиснուн. Зущуմθηፀ ողէкαз ዴв умፔн аψያլиծαղኺ храмиሩу уф уνуσемоዩан лыглዧ. Рсեφοм աрιвруብеկу քибሡхаղе ኺупупс ու ոμоሎоዶθցе ቶоվጦлፆф դакриձицፆ мегапр εና апрጣ шам упеդеዟент ιλ чիзэյах. Υሹ ктኛզቇ ф прякаዦ. dAf7x. Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 652 on 652Number of pages 652Full noticeTitle Mémoires de la Société des antiquaires de l'OuestAuthor Société des antiquaires de l'Ouest. Auteur du textePublisher PoitiersPublication date 1889Relationship textType printed serialLanguage frenchLanguage FrenchFormat Nombre total de vues 32033Description 1889Description 1889 SER2,T12.Description Collection numérique Fonds régional Poitou-CharentesRights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k272268bSource Société des antiquaires de l'OuestProvenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 15/09/2008The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 96%.SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE L'OUEST LA SOCIÉTÉ DIS ANTIQUAIRES DE L'OUEST E DRUNAID, LIBRAIRE-ÉDITEUR, 0. WBAMY, LIBRAIRE ÉDITEUR, 6, RUE DE LA MAIRIE. RUE DES CORDELIERS, 1S ET 17. 1890 MÉMOIRES DE – -i – TOME XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE Année 1889 POITIERS LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE L'OUEST ANNÉE 1889. Bureau. MAI. Président, Marsonnière Levieil DE LA, ancien procureur général, rue Neuve-de-la-Baume, 20. Vice-Président, Ledain Bélisaire, correspondant du ministère de l'Instruction publique, rue Neuve-de-la-Baume, 1. Secrétaire, Bouralièue A. DE LA, rue de la Baume, ii. Vice-Secrétaire, ToRNEZY Albert, ancien magistrat, rue des Feuillants, i. Trésorier, Bonvallet Adrien, agent supérieur de la Compagnie du chemin de fer d'Orléans, rue du Pelit-Bonnevaux, 8. Questeur, le R. P. DE LA CROIX Camille. Bibliothécaire, Ménardière Camille DE la, avocat, professeur à la Faculté de droit, rue Boncenne, 9. Conseil d'administration. MM. BARBIER Alfred, ancien vice-président du Conseil de Préfecture, rue de l'Étude, A. RICHARD Alfred, archiviste du département, rue du Puygarreau, 7. BABINET Léon, lieutenant-colonel d'artillerie en retraite, rue Boncenne, h. GENESTEIX, rue Montgautier. LISTE GÉNÉRALE Membres honoraires. NN. SS. L'archevêque de Tours, L'évêque de Poitiers, L'évêque de la Rochelle, L'évêque de Luçon, L'évêque d'Angoulême, L'évêque de Périgueux, L'évêque de Limoges. M. Le préfet de la Vienne. Membres titulaires résidants à Poitiers, outre ceux foriruant le bureau et le conseil d'administration. MM. Auber L'abbé, chanoine de la cathédrale de Poitiers, historiographe du diocèse, rue Sainte-Radegonde, 6. AUTELLET Maximin, docteur en médecine, rue des TroisPiliers,34. Aviau DE PIOLANT Vicomte Georges D', ancien sous-préfet, impasse de la Traverse. Aymer DE LA Chevalerie Marquis, rue de la Traverse. Badou-Maubert, receveur de l'enregistrement et des domaines, rue Victor Hugo, f2. Bains, agent voyer d'arrondissement en retraite, faubourg de la Tranchée. BARBAULT DE LA MOTTE, colonel de cavalerie en retraite, rue SaintLouis, 2. BARBIER DE Montault Mb1, prélat de la maison de Sa Sainteté, rue Saint-Denis, 37. BAUGIER Hector, rue de l'Éperon, 3. 'Beadsoleil, sculpteur, boulevard du Pont-Neuf, 6. Beliard Paul, rue Sainte-Opportune, 6. Berloquin L'ahbé, curé de Saint Hilaire, place Saint-Hilaire, 18. Bernaud L'abbé, curé w En effet, à partir de i6i6, on peut suivre tous les progrès de son ambition, de sa puissance et de sa fortune. Mais la plupart des historiens ne nous disent presque rien sur les années qui ont précédé son entrée aux affaires. H serait pourtant curieux de savoir quelle a été la jeunesse de ce grand homme, quelles ont été ses études et comment, à l'àge de vingt-deux ans, il gouverna le diocèse de Lucon. Il serait surtout intéressantde surprendre chez ce jeune homme, à qui a Providence réservait de si hautes destinées, les premiers indices de sa politique, de connaître les idées et les maximes de gouvernement qu'il méditait dans la solitude de son évêché, avant de les réaliser avec tant d'éclat pendant son ministère. Cette lacune, que signalait il y a vingt-quatre ans Mgr Perraud, je voudrais essayer de la combler; je voudrais raconter ce qu'a été Richelieu pendant son épiscopat et montrer que l'évéque a préparé le ministre, et que ces huit années obscures qu'il a passées dans le bas-Poitou ont été pour lui un merveilleux apprentissage de la vie politique. Le diocèse de Luçon a été l'école où il s'est initié aux affaires et où il a appris à gouverner la France; car il n'est personne à qui i'on puisse appliquer plus justement qu'à Richelieu cette parole de Mignet L'Église formait alors les grands politiques; elle > Mais le moment n'était guère favorable pour cette négociation. La cour romaine était absorbée par le grave conflit qui avait éclaté entre le pape et les Vénitiens. Le pape Paul V, qui occupait depuis un an le trône pontifical, était tout entier à cette affaire et cherchait partout des alliés pour faire valoir ses droits contre Venise. On conçoit donc qu'au milieu de ces pourparlers l'évêché de Luçon ait été complètement oublié. Mais Henri IV qui, en ce moment, offrait sa médiation au pape, et qui comptait en tirer profit pour le grand dessein qu'il méditait contre l'Espagne, ne voulait pas que les intérêts de Richelieu fussent négligés. Il chargea de nouveau, en décembre i606, son ambassadeur à Rome 2 et le cardinal de Joyeuse 3 d'unir leurs efforts pour hâter le succès de cette proposition. Il écrivit d'abord à Monsieur d'Alincourt Monsieur d'Alincourt, j'ai naguère nommé à notre Saint-Père le pape M. Ar mand Jean du Plessis, diacre du diocèse de Paris, frère du sieur de Richelieu, pour être pourvu de l'évêché de Luçon en Poitou, parla démission et la résiliation qu'en a faite à son profit M. François Hyvert, dernier titulaire d'iceluy; et parce que ledit du Plessis, qui est déjà dans les ordres, n'a encore du tout atteint l'âge requis par les 1 Les Ambassades de du Perron, p. 457. 2 C'était M. d'Alincourt fils du marquis de Villeroy 11 était ambassadeur à Rome depuis 1600. C'est lui qui avait négocie le mariage de Marie de Médicis avec Henri IV. 3 Le card. de Joyeuse était un négociateur prudent et habile, en même temps qu'un prélat grand seigneur. En 1605, il avait préside avec nn fasteinouj l'assemblée du clergé. Il avait été succesiivement archevêque de Narbonne, de Toulouse et de Rouen. saints décrets et constitutions canoniques pour tenir ledit évêché, et que je suis très assuré que son mérite et suffi sance peuvent aisément suppléer à ce défaut. Je vous écris cette lettre afin que vous fassiez instance de ma part Sa Saintetépourlui en moyenner la dispense nécessaire, et que vous vous y employiez avec mon cousin le cardinal de Joyeuse, à qui j'en écris, de telle sorte que cette grâce ne lui soit refusée, parce qu'il est du tout capable de ser vir l'Église de Dieu et que je sais qu'il ne donne pas peu d'espérance d'y être grandement utile comme Sa Sainteté connaîtra par effet, priant Dieu, Monsieur d'Alincourt,qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. Henry. » 1. La lettre au cardinal de Joyeuse parle également des bonnes vertus, qualités et mérites du candidat». Elles témoignent toutesles deux de labienveillance duroi et indiquent l'estime et l'affection qu'il avait pour le jeune évêque de Luçon 1. Cependant toutes ces sollicitations restèrent infructueuses au commencement de l'année 1607, les bulles n'avaient pas encore été expédiées. D'ordinaire les ecclésiastiques pourvus de bénéfices avaient un moyen à peu près certain de faire agréer leur nomination par le Souverain Pontife, c'était de recourir aux banquiers expéditionnaires en cour de Home. Ces banquiers avaient monopolisé pour ainsi diretoutesles relations du clergé de France avec le Saint-Siège. C'étaient eux qui transmettaient les suppliques et se chargeaient d'obtenir les bulles au meilleur compte en marchandant avec la Componenda et les bureaux du cardinal dataire. Ils réussissaient d'autant mieux dans leurs négociations i Bebgeb de XIVREV, Lettres dp llenri IV, t. Vif, p. 53 et Si. Ces lettres de Henri IV réfutent également les auteurs de la Gallia Christiana, qui prétendent que François Uyverl cessa d'être évêque de Luçon en 1608. qu'on leur abandonnait un droit de commission plus élevé. L'un d'eux, Couturier, avait gagné à ce commerce plus de livres C'était, dit Tallemant, le plus grand arabe du monde; mais, quoiqu'il prît plus que les autres, beaucoup de gens allaient à lui, parce qu'il était habile et en réputation 1. » Richelieu aurait donc pu s'adresser à l'entremise de ces banquiers; mais, outre qu'elle était fort coûteuse, elle eût peut-être été inutile pour avoir la dispense d'àge dont il avait besoin. Son embarras devait être grand, lorsque Henri IV lui suggéra le meilleur parti à prendre, celui d'aller à Rome. 11 se miten route danslesderniersmoisdel'annéel6062. [] ne lui déplaisait sans doute pas d'aller faire l'expérience de ses talents diplomatiques, et de devoir uniquement aux charmes de sa personne et à la distinction de son esprit le succès d'une affaire dans laquelle ses puissants patrons avaient déjà échoué. Il reçut à l'ambassade de France un accueil tel que pouvait l'espérer un homme que Henri IV aimait. Il trouva un autre appui dans le cardinal de Givry qui résidait à Rome en qualité de comprotecteur du royaume. Enfin le cardinal de Joyeuse lui-même le traita avec une faveur marquée et ne lui ménagea ni ses conseils ni son crédit. Grâce à eux, Richelieu put voir de près cette cour romaine qui devait l'intéresser sous tant de rapports, et avec laquelle il allait avoir plus tard de si fréquentes relations. Il y fit la connaissance du P. Le Bossu, un farouche 1 D'AVENEL, Richelteu et la monarchie absolue, t. II, p 234. 2 [In auteur italien place le voyage de liichelieu à Home eu l'an i604. Outre cette erreur, il en commet une autre encore plus grossière en disant que Hichelieu fit ses études à Rome et qu'il ua retourna en France qu'après les avoir terminees. Don PIETRO, Marchese Kicciardi, Vda di Armando ctird. di Plessis, duca di Richelieu, p. 3. ligueur qui avait loué publiquement le meurtrier de Henri III et qui avait dû chercher un refuge à Rome, à l'avènement de Henri IV. C'était un homme de grand savoir et un puissant orateur. Paul Vlui avait confié la direction de la bibliothèque Vaticane et la présidence de plusieurs débats théologiques. Toujours au dire de l'abbé de Pure, Richelieu se fit remarquer à Rome par la régularité et l'austérité de sa vie. On le voyait très assidu auprès du pape et des cardinaux. Il visitait aussi les couvents les plus célèbres. Enfin, il profita de ses loisirs pour étudier à fond l'italien et l'espagnol, et réussit à les parler aussi bien que sa propre langue 1. Sur le séjour de Richelieu à Rome, l'abbé de Pure donne encore d'autres détails fort intéressants qui, jusqu'ici, ont passé inaperçus, et qu'on nous saura peut-être gré de reproduire en les résumant. Un jour, dans un entretien avec le pape, à qui il exposait les raisons de son voyage à Rome, l'évêque de Luçon vint à parler de Henri IV, du succès de ses armes, de la paix dont jouissait le royaume et de l'amour que lui témoignait le peuple. Mais le pape, peu touché de cet éloge, rappelle à son tour les désordres de ce prince et sa foi équivoque. Je ne veux pas revenir, dit-il, sur les actes des pontifes mes prédécesseurs, mais je crains que le roi de France, en s'abandonnant aux plaisirs grossiers, ne donne de funestes exemples à tout son royaume. » En entendant ces paroles, Richelieu est un moment déconcerté mais peu à peu il retrouve sa présence d'esprit, et par la modestie et la mesure de son langage il calme l'animosité du Souverain Pontife. Prenant ensuite directement la défense du roi, il le fait avec tant de force et d'habileté que le pape ne peut s'cmpêI Abbé DE PURE, Vita em. card. Richelai, 31 et suiv. cher de lui faire ce jeu de mots Je vois bien qu'Armand est pour Henri le Grand, comme Henri est pour Armand. Dans une autre circonstance, Richelieu assistait au sermon'd'un prédicateur de grand renom. Au sortir de la cérémonie, il va rendre visite à un cardinal, lui vante les mérites du sermon qu'il a entendu et le reproduit entièrement de mémoire. Le cardinal, émerveillé, en parle au Souverain Pontife, qui tout d'abord n'y prête pas grande attention. Mais peu de jours après, rencontrant l'évêque de Luçon, il se rappelle ce qu'on lui a dit de sa prodigieuse mémoire et il lui donne l'ordre de réciter le discours, pensant qu'il pourrait tout au plus en donner des extraits. Mais Richelieu, avec une souplesse d'esprit absolument admirable, se met aussitôt, sans hésiter, à réciter le sermon tout entier avec autant d'exactitude et de précision qu'aurait pu le faire l'orateur lui-même, ou quelqu'un qui l'aurait écrit. Le pnpe et tous ceux qui se trouvaient là applaudirent à ce tour de force. Paul V lui demanda ensuite de traiter lui-même, et à sa façon, le même sujet. Un jour suffit à Richelieu pour se préparer. Dès le lendemain, il prononçait son discours en présence du pape et de la cour Pontificale, et tous furent émerveillés de sa facilité, de son érudition et de l'élégance de sa parole. On regardait comme un miracle que tant de qualités fussent réunies chez un jeune homme de vingt-deux ans. L'abbé de Pure cite enfin un trait de sa grandeur d'âme. L'évêque de Luçon avait rencontré à Rome un Français qui était de bonne famille et qui se disposait à entrer dans l'ordre de Malte. Ce Français était absolument sans ressources, car il avait tout perdu dans un naufrage. Richelieu est ému de compassion pour les infortunes de son compatriote; II le reçoit chez lui et le comble de ses bontés. Le malheureux se confond en remerciements. Mais en apprenant que son bienfaiteur est un Richelieu, il demeure stupéfait. Je ne vous cacherai pas la cause de mon étonnement, lui dit-il, je suis le fils d'un ennemi de votre famille. Je n'ai donc aucun droit à vos bienfaits je ne mérite que votre haine. » Et en disant ces mots, il veut se retirer. Mais Richelieu, touché de cet aveu, le retient, et lui jure, sur ses devoirs les plus sacrés d'évêque et de chrétien, qu'il ne tiendra aucun compte de ces haines de famille. Au contraire, il- lui vienten aide de son crédit et de son argent et il nele quitte qu'après l'avoir mis en mesure d'entrer dans l'ordre de Malle. Quand ce fait fut connu dans Rome, dit l'abbé de Pure, on loua beaucoup ce jeune évêque qui, avec des ressources si restreintes, savait faire de si belles œuvres de charité. Mais il attira surtout l'attention du pape par la part qu'il prit aux délibérations de la congrégation de Auxiliis. Cette congrégation avait été instituée en 1597 pour mettre fin au conflit qui divisait depuis si longtemps les théologiens sur la question de la grâce. Les Molinistes soutenaient que la grâce n'est efficace que par la libre coopération de la volonté. Les Thomistes prétendaient au contraire que la grâce est efficace par elle-même, et des deux côtés on se livrait à d'interminables discussions qui échauffaient l'ardeur des combattants sans les éclairer sur le point en litige. On ne sait à quelle occasion Richelieu fut amené à prendre part à la lutte on ignore même dans quel sens il parla. On sait seulement que son intervention produisit un impression profonde 1. Les Italiens, dit André du Chesne, i M. Avenel pense que Richelieu ne pi it aucune part aux travaux de la cougré- furent contraints de rompre le vœu qu'ils font presque tous de n'admirer que fort sobrement ce qui naît hors de leur pays 1. » Paul V lui-même, qui assistait aux débats, fut gagné par l'élégance et la parfaite correction de ce jeune évêque qui parlait le latin avec une étonnante facilité et qui joignait aux grâces de la diction des connaissances théologiques bien supérieures à son âge. A la fin de la séance, il lui fit ce gracieux compliment /Equum est ut qui supra œtatem sapis, infra œtatem ordineris » et en effet il lui accorda aussitôt la dispense d'âge pour être ordonné. Cette dispense, Richelieu la dut, non pas seulement à ses propres mérites, mais encore à l'appui très efficace du cardinal de Givry. Nous lisons en effet dans V Histoire des Évêques de Metz, à propos du cardinal de Givry qui était titulaire de cet évêché Dans l'emploi de cette charge, il eut le bonheur entre autres de proposer au consistoire, àla recommandation du Roi, l'évêché deLuçon en faveur du grand Cardinal de Richelieu et d'obtenir la dispense de son âge sans difficulté, tant il était dès lors en considération pour ses vertus et ses mérites incomparables. J'ai appris ceci par la liste des bénéfices que notre cardinal de Givry proposa au consistoire l'an 1606, où il y a Die decimâ septimâ septembris proposita fuit Ecelesia Lucionensis pro du Plessis de Richelieu 12. » galion de Auxiliis, et il s'appuie sur ce fait que le P. Servy, dans son Alitégê de l'hist. de la congrégation de Auxilds ne fait aucune mention du nom de Richelieu. Il croit plutôt que le jeune évêque de Luçon exprima son opinion à ce sujet dans un entretien particulier avec pape, et que c'est ainsi qu'il trouva sujet dans Nu entretien particutier atec te pape, et qne c' ainsi qu'i trouva l'occasion de montrer la solidité de ses études théologiques etla supériorité de son esprit. Revue des quest. htslor., t. VI, p. 169 1 ANnnii DU CnESNE, Ihsl. généalogique de la maison de Lavedan dirigea ce grand monastère avec une remarquable supériorité. Richelieu, qui, dans cette circonstance, avait travaillé avec le zèle le plus louable à la réforme de la célèbre abbaye, et qui dans la suite devait donner une si vive impulsion à la restauration religieuse en France, aura le droit de se rendre ce témoignage dans son Testament politique Quandjeconsidère qu'en mes premières années la licence était si grande dans les monastères d'hommes et de femmes qu'on ne trouvait en ce temps-là que des scandales et des mauvais exemples làoù l'on doit chercher de l'édification, j'avoue que je ne reçois pas peu de consolation de voir que ces désordres ont été si absolument bannis sous votre règne, que maintenant les confidences et le dérèglement des monastères soient plus rares que les légitimes possessions et que les religions bien vivantes ne l'étaient en ce temps-là 1. » Le Père Joseph résidait au couvent de Chinon. Richelieu ne passait jamais par son prieuré des Roches sans inviter son ami à venir l'y voir. Il ne craignait même pas de lui demander des services. Ainsi, dans une lettre de 1611, il le priait d'intéresser le lieutenantcriminel, qui était de ses parents ou de ses amis, à une affaire importante qui lui était fort à cœur. Vous pouvez croire, lui dit-il, que si elle n'était pas juste je ne m'en voudrais pas mêler, et moins encore y demander votre assistance. Mais sachant véritablement comme elle s'est passée, et ayant grande connaissance de votre charité, je ne crains pas que vous soyez importuné de la démarche que je vous fais, et vous conjure encore d'apporter ce que vous pourrez pour la conservation du bon droit de celui à qui elle touche 2. » Nous avons dit ailleurs le concours que prêta le P. Joseph à Richelieu pour l'installation des capucins à Luçon et aux Sables-d'Olonne. Il est à croire qu'il lui rendit d'autres bons offices 3 car à peine arrivé au ministère, en 1624, Richelieu lui écrivait cette lettre significative, qui est la preuve la plus irrécusable de sa reconnaissance et de son affection pour l'humble religieux Comme vous êtes le principal agent dont Dieu s'est servi pour me conduire dans tous les honneurs où je me vois élevé, je me sens obligé de vous en mander les premières nouvelles, et de vous apprendre qu'il 1 Kicheueo, Testament politique, t. Ie', p. 104. 2 AVENEL, Lettres de Bicli., t. V', p. 64. 3 II est boa de rappeler que le P. Jjaeph était le confesseur de l'evèque de Luçon, et cela prouve jusqu'au allait leur intimité et leur mutuelle confiance. a plu au Roi me donner la charge de son premier ministre à la prière de la Reine mais en même temps je vous prie d'avancer votre voyage et de venir au plus tôt partager avec moi le maniement des affaires. Il y en a de pressantes que je ne veux confier à personne, ni résoudre sans votre avis. Venez donc promptement recevoir les témoignages de toute l'estime qu'a pour vous. Le Card. DE Richelieu 1. » L'évêque de Luçon avait pour métropolitain le cardinal François de Sourdis, archevêque de Bordeaux. Élevé fort jeune à cette haute dignité ecclésiastique par la faveur de sa cousine germaine, Gabrielle d'Estrées, il alliait à un grand zèle pour ses devoirs d'évèque une humeur turbulente et une fierté de caractère qui lui faisaient beaucoup d'ennemis. Il le portait haut, dit Tallemant des Réaux, mais il réglait fort bien son diocèse. » C'est lui qui osa dire un jour au prince de Condé, qui lui avait reproché d'avoir la tête bien légère Ce n'est pas dans la vôtre que j'irai chercher du plomb. » Sa famille était originaire de Châtillon-sur-Sèvres dans le bas Poitou. Il avait commencé ses études au collège de Navarre, mais les troubles de la Ligue étaient survenus et le bouillant écolier s'était empressé de quitter les livres pour prendre les armes. Il assista avec son père au siège de Chartres puis, lorsque sa cousine eut gagné les bonnes grâces du Roi, il se laissa pousser dans les ordres; seulement, avec la ténacité indomptable de son caractère, il vou1 AVENEL, t. II, p. 3. Cette estime et cette affection durèrent jusqu'à la mort du P. Joseph Quand le saint religieux tomba malade, llicheheu le visita plusieurs fois chaque jour de sa maladie et y demeurait fort longtemps, témoignant les regrets qû avait de voir eteindre ce grand flambeau qu'il avait eu si longtemps proche de soi ». Au dernier moment l'affliction du Cardinal fut telle qu'il se trouva malade. On l'entendait repeter avec des smglots Où est mon appui? Je n'ai plus d'appui 1 – Le testament et les dernières paroles du P. Joseph, par une fille du Calvaire, Bibi. Poitiers, n° 28f f" 2-2 et 33. lait se rendre capable de remplir les fonctions qu'on lui destinait. A vingt ans passés il eut le courage de revenir sur les bancs et de se faire l'élève des Franciscains. Lui qui venait de manier le mousquet, il reprit le vieux Despautères et se mit à apprendre par coeur le rudiment. Ses progrès furent très rapides après les belles lettres, il aborda la théologie et étudia successivement le dogme, la morale, le droit canon et laliturgie. Il suffit de parcourir les ordonnances synodales de son épiscopat pour se convaincre de la compétence qu'il avait acquise dans chacune de ces sciences. On le voit, il y avait plus d'un trait de ressemblance entre le suffragant et le métropolitain; tous deux étaient gentilhommes tous deux, après avoir été à Navarre, avaient commencé le métier des armes tous deux aussi avaient été faits hommes d'Église, plutôt par les circonstances que par une vocation supérieure tous deux enfin étaient devenus de savants prélats et avaient apporté dans le gouvernement de leur diocèse "une fermeté et un zèle dignes de louanges. Faut-il ajouter qu'ils étaient doués/Tune ambition peu commune et que le souci de leur charge pastorale ne les empêchait nullement de se pousser sur le chemin des honneurs? Seulement l'archevêque de Bordeaux, par le bénéfice de son âge et de sa dignité, était de beaucoup en avance sur le jeune évêque de Luçon. Aussi, dès son arrivée dans son diocèse, Richelieu chercha-t-il à entrer en relation avec son tout puissant métropolitain. Il lui écrit plusieurs lettres qui restent sans réponse, mais cela ne le décourage pas. Il lui envoie un laquais pour prendre de ses nouvelles et lui remettre une autre lettre dans laquelle il lui dit Je ne puis vous dire le déplaisir que je reçois de voir que l'éloignement des li&uxetl'incommodité delasaisonmeprivent devousallervisiterà Bordeaux; car, outre le contentement queje recevrais d'avoir l'honneur de vous voir, ce me serait une très grande consolation de vous communiquer les affaires de ce pauvre diocèse, les moyens que j'estime propres pour y avancer la gloire de Dieu et les difficultés qui s'y opposent. Je vous en entretiendrais franchement, ayant la connaissance que j'ai de votre zèle 1. » Cette lettre fait également honneur aux deux prélats; ellemontre qu'ils se préoccupaient des intérêts spirituels de leur diocèse et que le plus jeune recherchaitles conseils de son collègue plus âgé et plus expérimenté pour apprendre à gouverner son troupeau. Quelques mois plus tard Richelieu s'adressait encore au cardinal de Sourdis, mais cette fois dans un but moins désintéressé. L'assemblée générale du clergé allait se tenir l'année suivante à Paris 1612. On sait que dans ces réunions, qui avaient lieutous les deux ans, les députés votaient le subside destiné au Roi, et lui présentaient d'humbles remontrances, soit sur les affaires religieuses, soit sur les affaires politiques. Richelieu, avec la sagacité merveilleuse de son esprit, avait compris qu'il pourraitjouer un rôle éclatant dans ces assemblées où l'éloquence était une cause certaine de succès. C'était aussi pour lui une occasion de se présenter de nouveau à la Reine, et de faire la connaissance des membres les plus influents de l'épiscopat. On conçoit donc qu'il ait songé à poser sa candidature. Mais comme il sentait que sa jeunesse était un obstacle à la réalisation de son projet, il crut sage de solliciter l'appui du cardinal, convaincu que les suffrages de ses collègues ne lui feraient pas défaut s'il était soutenu par son métropolitain. Il lui écrivit donc le 25 no[lAVfXEL, LeHfM de J!tt/ieheM,t. l", p. 64. vembre 161 i Monseigneur 1, quelques-uns des diocèses circonvoisinsm'ayanttémoigné qu'ils désiraientmenommer pour être député en l'assemblée prochaine du clergé qui se doit tenir à Paris, j'ai cru vous devoir supplier de me faire savoir quelle serait votre volonté en cela, et si vous jugez que je puisse rendre quelque service au clergé, non seulement d'avoir agréable ce dessein, mais encore de le favoriser et de le faire réussir par votre autorité. Bien que vous ne puissiez employer personne en cette charge qui n'ait autant ou plus de capacité que moi, je puis dire avec vérité que pas un n'aura autant d'affection d'obéirà vos commandements 2. » II ajoute que, s'il n'était pas malade, il ferait le voyage de Bordeaux pour aller assurer le Cardinal de ses sentiments. Mais il préfère ajourner cette démarche pour que l'intérêt seul de sa candidature ne paraisse pas l'avoir inspirée. Malgré sajeunesse, Richelieu s'entendait déjà à merveille à flatter ceux dont il avait besoin. Mais, dans le cas présent, toutes ses habiletés furent inutiles, car il ne fut pas élu député et son nom ne figure pas sur la liste des prélats qui prirent part aux délibérations de l'assemblée de !.612. Il dut attendre encore deux ans, c'est-à-dire la convocation des États généraux, pour trouver l'occasion qu'il cherchait de se produire. Nous n'avons qu'un très petit nombre de lettres de l'évêque de Luçon à l'archevêque de Bordeaux. Mais il est permis de croire que leurs relations durent être fréquentes. En dehors des rapports hiérarchiques, une sympathie réciproque, et peut-être aussi cette vivacité d'allures qui leur i L'étiquette voulait qu'on ne donnât ce titre de Monseigneur qu'aux cardinaux. Pour les simples évêques, on disait Monsieur Ce n'est que plus tard, sous le ministère de Richetieu, qu'on les appsta tous Afo~et~tCM'. '! AVEN6L, Lettres de RtfA., t. ", p. 71. était commune, devaient rapprocher ces deux prélats. Au début, Richelieu se montrait plein de déférence et de respect envers son supérieur. M n'Ignorait sans doute pas les démêlés qu'avait eus l'archevêque de Bordeaux avec son chapitre et le Parlement; mais il se garde d'y faire la moindre allusion. En toute circonstance il le félicite de son zèle, de sa charité, et de'ses rares vertus qui le font admirer d'un chacun. J'en ai, dit-il, une telle connaissance que je ne puis que je ne publie ce que toute la France publie avec moi; mais votre modestie, imposant silence à mes paroles, fait que je me contenterai de vous supplier de croire que je suis véritable 1. M Dans une autre lettre il lui dit J'ai été infiniment édifié d'entendre le bon ordre que vous avez mis en votre diocèse et la grande dévotion que vous apportez à Bordeaux, de quoi j'ai loué Dieu de tout mon cœur ce sont des effets du zèle que vous avez à la gloire de Dieu 2. Assurément il y a dans tous ces compliments une part d'exagération, et le désir de se concilier les bonnes grâces du Cardinal y est trop manifeste. Mais ce qu'il y a d'excessif dans ces louanges disparaitra avec les ardeurs et l'inexpérience de la jeunesse, et fera place à une appréciation plus saine des qualités du Cardinal et de sa famille. Dans la suite en 1620, Richelieu fera appel à ses conseils et à son influence pour l'aider à réconcilier Louis XIII avec sa mère; et, devenu ministre, il prendra l'évêque de Maillezais 3, Henri de Sourdis, frère de l'archevêque de Bordeaux, le mettra à la jl AVENEL, Lettres de Rich., p. tOO. 3 /d., p. iOi. 3 L'efêche de Maillezais était dans la famille des Sourdis, comme celui de Lucon dans cette des Mtc'iehe~. Trois prélats de ce nom occupèrent le siège de Maillezais en moins de ci~q~~e ans Jacques de Sourde, François de Sourdis et Henri de Sourdis. tête de la marine et en fera un brillant amiral, inspiration vraiment heureuse qui atteste une fois de plus que Richelieu choisissait de préférence ses collaborateurs parmi les hommes qu'il avait pu connaître et étudier à loisir pendant son épiscopat. Mais tous ceux qu'il s'était attachés durant cette période de sa vie ne conservèrent pas dans la suite son amitié; quelques-uns même devinrent ses adversaires les plus déclarés. De ce nombre il faut citer du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran. On lit dans les Mémoires de Lancelot 1 n La liaison du cardinal de Richelieu avec M. de Saint-Cyran avait commencé dès qu'il était évêque de Luçon et que M. de SaintCyran demeurait chez M. de Poitiers, de la maison de la Rochepozay, car ce prélat venait souvent s'y divertir. u Du Vergier de Hauranne était vicaire général de l'évêque de Poitiers. Il passait pour un homme instruit, spirituel et de grande piété. Il était en outre distingué de manières, et sa parole avait quelque chose de particulièrement doux et insinuant, qui captivait tous ceux qui l'approchaient. L'évêque de Luçon, qui faisait de fréquents séjours à Poitiers, comme l'attestent les nombreuses lettres qu'il s'y faisait adresser, subit comme les autres le charme de Du Verg'ier de Hauranne, et dès lors il s'établit entre eux les relations de la plus cordiale amitié 2. t Mémoires touchant la vie de M. de Saint-Cyran. pour servir d'éclaircissement à l'histoire de Port-Royal. Cologne, i70i. tôt. in-t2, p. 90. 2 Atatgré sa douceur habituelle, te vicaire générât de Poitiers savait au besoin manifester des ardeurs belliqueuses. En i61~, lorsque le prince de Condé, révolté contre la Cour, tenta de s'emparer de Poitiers, t se heurta à une résistance à laquelle ne s'attendait guère. L'évëque fit termer les portes, leudre les chaînes, et attendit le Prtnce tes armes à la main, a la tête des habitants. Devant cette attitude résolue, Condé dut renoncer à son dessein, mais, en se retirant, it se jura d'obtenir justice de l'otTense que lui avait faite t'otéqne de Poitiers. Kn attendant Nous n'avons que deux lettres de Richelieu à du Vergier de Hauranne; elles sont écrites dans ce style maniéré dont il ne se débarrassa que plus tard, quand la nécessité d'expédier un grand nombre d'affaires l'obligea à être clair, simple et concis. Dans l'une de ces lettres, il lui dit cette phrase caractéristique Je vous supplie de vous assurer que je vous honore avec la même ardeur que vous pûtes remarquer en moi lorsque nous nous ouvrîmes l'un à l'autre jusques au fond du cœur 1. Il faut croire à la vivacité de ces sentiments, car dans une autre lettre il lui dit encore quelle estime il a pour ses mérites et quelle affection pour sa personne Au reste, je ne veux pas oublier à vous faire savoir que me sentant grandement votre obligé de la franchise avec laquelle vous vous portez à me vouloir du bien, je ne laisse de me plaindre de vous, mais à moi seul, de ce que vous me dépeignez avec des couleurs trop vives. A cela, je n'ai rien à dire, sinon que vous êtes volontiers comme quelques peintres qui ont l'imagination si bonne et si forte qu'il leur est impossible de s'empêcher de représenter avec avantage ce qui n'est pas parfait, et de plus si j'ai quelques parties des bonnes qualités que vous me donnez, ce sont celles qui me font connaître et estimer les vôtres, et qui me portent à vous aimer chèrement 2. De son côté, du Vergier de Hauranne ne demeurait pas en reste avec l'évêque de Luçon. Il lui adressait les assurances l'effet de sa vengeance, et pour éclairer l'opinion publique snr le rôle de son chef, Do VEfciHH écrivit un savant ouvrage intitule ~po~yte pour ~Mfi'-LoMU CAatedgner de la Rochepozay, éyégue de Poetaers, contre ceux qui disent qu'il n'est pas Les grands étaient donc contents, et ceux qui ne l'étaient pas firent semblant de l'être. Sully seul se tenait à l'écart et boudait. Personne ne l'aimait. Henri IV n'étant plus là pour le soutenir, il était fatalement condamné à disparaître. Du reste, il y avait un favori qui déjà était tout puissant, c'était Concini, et celui-ci, par les intrigues de sa femme, allait prendre une place prépondérante dans le nouveau gouvernement. Quand Sully se retira à Rosny, un plaisant écrivit sur la porte de l'Arsenal ~0!SOM à ~oM~'pOM' terme f~f~UM, s'adresser au M~tttS ~'At!C'g, dans le / Je lui gagnai lecœur, et il fit quelque estime de moi dès la premiere fois qu'il m'aboucha. JI dit à quelques uns de ses familiers qu'il avait un jeune homme en main capable de faire leçon a tutti barboni.» Quelques jours après le nonce Ben'tivoglio annonçait ainsi au cardinal Ubildini le changement de ministère. L'évêquo de Luçon est secré taire d'Etat. Ce prelat, quoique jeune, est des plus éminenls de France par sa culture littéraire, par son éloquence, sa bonté et son zele pour la religion. On n ° peut espérer que ce changement nous sera favorable. Comme secrétaire d'État, on ne pouvait pas désirer mieut. » AVENCL, t. VW, p. 11. taire d'État et avec la préséance sur ses collègues 1. Il avait trente et un ans. 1 De leur côlé, les ambassadeurs vénitiens, en signalant à leur gouvernement les changements qui venaient de se produire à la Cour de France, parlaient ainsi de l'évêque de Luçon. La charge de premier secrétaire d'État qu'avait exercée Mangot fut offerte à Barbin mais celui-ci n'a pas voulu céder la charge de directeur des finances qui est plus avantageuse et impose moins de fatigue. La secrétairie a donc été conférée à l'évêque de Luçon, qui avait été d'abord désigné pour aller en Espagne. Nous considérons ce ministre comme ne pouvant pas être favorable aux intérêts de votre sérénité; nous avons surpris sottrato qu'il estde la faction espagnole; c'est pourquoi il a la charge de grand aumônier de la Reine régnante au point d'être vu dans le palais de l'ambassadeur d'Espagne au titre de fréquent visiteur frequentare domesticamente. Le bruit court même qu'il reçoit une pension de l'Espagne egli habbi pensione da Spagna. » Oetavien Bon, Vincent Gussom, Ambassadeurs. 29 novembre 1016. Fonds italiens, n° 1770, f° 140. CHAPITRE VIII RICHELIEU HORS DE LUÇON 1616-1623. Sommaim. – Mort de Concini. Disgrâce de Richelieu il suit la Reine à Blois. Il est exilé à Coussay, puis à Avignon. – est rappelé auprès de la Reine mère. -Deuilsde famille. Négociations pour le cardinalat. Richelieu se démet de l'évèché de Luçon. Devenu ministre, il continue à protéger son ancien diocèse. Richelieu ministre appartient à l'histoire générale nous n'avons donc pas à nous en occuper ici. Disons seulement que le maréchal d'Ancre lui demanda de renoncer à son évêché en entrant aux affaires; mais le nouveau secrétaire d'État refusa obstinément d'y consentir. Il avait l'esprit trop sagace et trop prévoyant pour abandonner une position sûre et relativement avantageuse, en vue d'un titre sans doute plus brillant, mais abandonné à toutes les éventualités de la politique. Le favori eut beau s'entêter et se fâcher le prélat ne céda point et se montra décidé à quitter plutôt les affaires que son siège épiscopal. La Reine s'interposa, et Richelieu put continuer à gouverner son diocèse. L'événement prouva bientôt combien il avait été sage en agissant de la sorte. On a vu peu de grands hommes, dit-il dans ses Mémoires, déchoir du haut degré de la fortune sans tirer après eux beaucoup de gens 1. » Il lui était réservé de confirmer par son propre exemple la justesse de cette remarque; car la révolution de Palais du 24 avril 1617 7 lui fut funeste, aussi bien qu'à ses protecteurs. On a décrit cent fois la joie puérile de Louis XIII quand 1 Hich Mémoires, t. XXI bis, p. 99. il apprit la mort du maréchal d'Ancre 1. Il monta sur un billard, et c'est sur cette sorte de pavois, comme disent les mémoires du temps qu'il reçut les félicitations des courtisans. L'affluence était nombreuse au Louvre. L'évêque de Luçon, qui était à 4la Sorbonne pendant que le meurtre s'accomplissait, s'empressa d'accourir, et, avec une fermeté et une audace incroyables, il ne craignit pas de se présenter dans cette tumultueuse assemblée. Il passa devant le Roi qui, du haut de son billard, lui dit qu'il le voulait bien traiter 2, et de ce pas il se rendit comme à l'ordinaire dans la salle du Conseil. Il n'y fut pas admis, ou, du moins, il fut mal reçu par Villeroy et les autres ministres 3. Les sceaux furent enlevés à Mangot; Barbin fut retenu prisonnier chez lui et ses papiers confisqués. Richelieu se vit traité avec plus de ménagements. Son caractère ecclésiastique, et plus i Arnauld d'Andilly raconte dans son journal que lorsque d'Ornano vint annoncer au Roi la mort du Maréchal, le prince se montra à l'une des fenêtres de la cour, l'épée à la main, et cria Courage, mes amis, je suis maintenant Roi. » Après, le Roi s'en alla dans sa galerie et se mit sur le billard, ou il recevait avec une contenance très contente et très assuree toute la noblesse qui lui venait faire la révérence. Il y fut encore une partie de l'apres-dîner et donnait ordre lui-même à plusieurs choses. Il dit qu'il y avait cinq nuits qu'il n'avait dormi. » Journal d'ÀBNAULD D'ANDILLY, p. 282. 2 Rien., Mémoires, liv. VUI, p. 420. -Je ne crois pas qu'il faille prendre au sérieux l'anecdote racontée par Tallemaut des Réaux d'après Le Grain. Il est peu vraisemblable que le Roi ait dit à Richelieu, après la mort du maréchal d'Ancre Me voilà delivré de votre tyrannie, Monsieur de Luçon. » L'évêque était alors nn trop petit personnage pour avoir pu faire peser sa tyrannie sur le Roi. Tàllemant, t. Il, p. 3. 3 Arnauld d'Andilly raconte que l'évêque de Luçon, sur l'ordre du Roi, se rendit à la salle du Conseil accompagné de M. de Viguolles, mais que Villeroy ne voulut pas l'admettre avant d'avoir su du Roi si Richelieu devait travailler en qualité de secrétaire d'Etat ou de conseiller d'Etat ». Journal, p. 29. Déageant dit aussi que le Itoi était favorablementdisposé pour l'évêque de Luçon. 11 aurait voulu qu'il continuât l'exercice de sa charge pour l'assurance que Sa Majesté avait de son affection, fidélité et capacité très reconnue, Sa Majesté lui ayant, à cet effet, mandé de venir au conseil, les anciens ministres, prévoyant que la clarté et éminence de son esprit reluisant comme il faisait par-dessus les leurs, ils ne seraient plus tenus pour oracles de l'Etat comme ils voulaient qu'on les crût, lui donnèrent d'abord toutes les traverses dont ils se purent ressouvenir. » Dkageant, Mémoires, p. 47. encore la digne et ferme attitude qu'il garda dans cette circonstance le protégèrent contre toute mesure de rigueur. Avait-il eu, en prévision de ces événements, des relations secrètes avec Albert de Luynes, comme l'en accuse le P. Griffet, et aurait-il ainsi trouvé grâce auprès du nouveau favori? Il serait difficile de l'affirmer. Quoi qu'il en soit, il fut le seul pour qui on eut quelque égard. Il assure même que Luynes lui aurait fait ce compliment Allez-vous en au lieu où sont assemblés tous ces Messieurs du conseil, afin qu'on voie la différence avec laquelle le Roi traite ceux qui vous ressemblent et les autres qui ont été employés en même temps. » A l'en croire, Luynes aurait même poussé la générosité jusqu'à lui offrir de rester au conseil avec tous ses appointements. Mais mal reçu par Villeroy, qui venait de prendre la direction du ministère, et comprenant que de ce côté il n'avait pas à compter sur des dispositions bienveillantes, il résolut d'offrir ses services à la Reine mère qui venait d'être bannie 1. Je préférai, dit-il, l'honneur de la suivre en son affliction à toute la fortune qu'on me faisait espérer. » Richelieu se donne ici des airs d'héroïsme qui ne sont pas absolument conformes à la vérité. Sa première pensée, après la mort de Concini, avait été de rester au ministère. Ce n'est que lorsqu'il eut la conviction que cela était impossible qu'il se tourna du côté de la Reine. Son dévouement, comme le dit M. Avenel, était donc de nécessité 2. Avant de quitter Paris, il négocia les adieux de Marie de Médicis à Louis XIII. Il est peu probable que la Reine ait i I.'évêque de Luçon fut l'une des rares personnes qui obtinrent la permission de voir la lieine le jour de la mort du Maréchal. Journal d' Arnaud D'ANDILLY P. 284. 8 Avinïl, Lettres, de Rich., t. 1", p. 538. prononcé le discours très habile, très digne et très étudié que lui prête l'évêque de Luçon dans ses Mémoires. La séparation se fit simplement et sans récriminations. Les exilés partirent pour Blois le 3 mai 1617. La Reine, dit Richelieu, sortitdu Louvre, simplement vêtue, accompagnée de tous ses domestiques qui portaient la tristesse peinte en leur visage et il n'y avait guère personne qui eût si peu de sentiment des choses humaines que la face de cette pompe quasi funèbre n'émût de èompassion 1. » La situation de Richelieu à Blois était extrêmement épineuse. Tl se sentait obligé en conscience de calmer l'esprit aigri de la Reine et de la détourner de toute cabale et de toute idée de vengeance; et en même temps il craignait sans cesse que son dévouement n'éveillât les soupçons du Roi et ù'i son favori et ne lui attirât quelque mesure de rigueur. Il espéra cependant, par la sagesse et la prudence de sa conduite, prévenir les mauvais offices de ses ennemis. Dans cette vue, il engagea Marie de Médicis à faire venir auprès d'elle son confesseur, le P. Suffren, dont personne ne suspectait la piété et la droiture, comptant bien que la présence de ce religieux rassurerait le Roi et toute la Cour sur la loyauté de ses intentions. L'évêque de Luçon joint lui-même 1 Rich., Mém., année 1617. Pouj., t. I", p. 164. Il ajoute un peu plus loin Au sortir de Paris, je l'accompagnai, recevant plus de consolation de la part que je prenais son affliction, que je n'en eusse pu recevoir en la communication que ses ennemis me voulurent faire de leurs biens. J'en voulus avoir une permission expresse du Roi par écrit, de peur qu'ils ne me rendi-sent peu après coupable de l'avoir suivie et soutinssent que je l'avais fait de mon mouvement. Je savais bien 1 épineuse charge que ce m'etait de demeurer auprès de la Reine; mais j'espérais me conduire avec tant de candeur que je dissiperais toutes les ténèbres de la malice conjurée contre moi. Et pour aider à y parvenir, je conseillai à la Reine d'envoyer quérir le P. Suffren, personnage de grande piété et simplicité, éloigné de menées et d'artifices, et qui n'en laisserait pas prendre la pensée seulement à la Reine jusqu'à l'extrême nécessitél Le bon Père néanmoins ne vint pas trop tôt comme il avait été mande, mais seulement quelques mois après. » ses instances à celles de Marie de Médicis. Je vous laisse à penser, écrit-il au P. Suffren, si le séjour de Blois me sera plus doux quand il y aura ici une personne avec qui je pourrai ensevelir tous les déplaisirs qui peuvent arriver, au pied de la croix de Celui que nous servons, vous comme vous devez, moi comme je peux dans l'embarras du monde 1. » Mais ce religieux ne vint à Blois que plusieurs mois après et n'y trouva plus l'évêque de Luçon. Celui-ci donna au Roi un autre gage de fidélité. Quand la Reine lui offrit d'être le surintendant de sa maison et le président de son conseil, il ne voulut pas accepter ce double titre sans l'agrément du souverain et du duc de Luynes. Bien plus, il tenait le favori au courant de l'état d'esprit et des dispositions de la Reine, et attestait que toutes ses actions étaient saintes » et qu'elle ne gardait aucune rancune de sa disgrâce. Mais toutes ces précautions furent inutiles. Ils craignaient, dit Richelieu, en parlant de ses ennemis, le peu d'esprit que Dieu m'avait donné. A quelque prix que ce fût, ils ne me voulaient point voir auprès de cette princesse; ils eussent bien désiré m'éloigner d'auprès d'elle; mais leur timidité et leur inexpérience, qui leur faisaient tout craindre, les empêchaient d'oser prendre résolution de me faire commander par Sa Majesté de m'en retirer 2. » Pour arriver à leur but, ils eurent recours à la ruse. Ils répandirent le bruit que le Roi allait donner à l'évêque de Luçon l'ordre de quitter Blois. Le marquis de Richelieu en informa aussitôt son frère, et celui-ci, croyant plus habile de prévenir ce commandement, prit congé de la Reine et se 1 AVENEL, Lettres de Rich. Supplém., p. 400. î HiCH., Mém.. année 1617. Pouj., p. 171. retira dans son prieuré de Coussay juin 1617. Ce prieuré était la demeure préférée de Richelieu pendant les années de son épiscopat. Il y avait là un beau château construit par le cardinal Briçonnet, entouré d'un grand parc où des fontaines d'eau vive entretenaient une grande fraîcheur 1. Souvent il y était venu pour se guérir des fièvres que lui avaient données les marais de Luçon; et maintenant il allait trouver dans cette agréable solitude l'apaisement après les orages de la politique, et en même temps le calme et l'isolement nécessaires pour les travaux de l'esprit. Son séjour au prieuré de Coussay, qu'il appelait son ermitage », fut assez long 2 il y vivait comme un reclus, entouré de ses livres, et cherchant dans le travail une diversion à ses préoccupations et à ses ennuis. Sa disgrâce lui était très pénible on trouve la confidence des pensées qui l'agitaient dans différentes lettres qu'il écrivit à ses amis. Il raconte à un personnage de la Cour qu'il est monté à cheval aussitôt après avoir reçu l'ordre de partir La volonté de Sa Majesté, dit-il, étant une loi à laquelle il faut rendre obéissance, je me promets que la prompte que je lui ai rendue en cette occasion me tiendra lieu d'excuse envers vous. Je m'assure que chacun reconnaîtra mes actions avoir toujours été telles qu'on les peut désirer d'un fort homme de bien et du tout passionné au service de son prince. Je me promets que ceux qui seront dépouillés d'intérêt le croiront comme je le dis, et que le temps faisant voir mon innocence on me croira tout autre que ceux qui m'en veulent le voudraient persuader. C'est ce que j'espère de la 1 Coltect. Dom Fonteneau, t. LXIV, p. 197. 2 11 ne résida pas à Cou»say d'une façon continue. Il séjourna aussi à Luçon, comme le prouve sa lettre au P. Honoré, datée de Luçon, îi déù. 1617. D. Fonteueau, t. IV, t° 779. bonté de Dieu et du bon naturel de Sa Majesté, quand il aura connu la vérité 1. » II adressé au nonce les mêmes protestations d'innocence Je ne doute point que divers bruits qu'on épand exprès pour me rendre de mauvais offices ne vous fassent souvent penser à moi mais je suis assuré qu'ils ne vous porteront à croire aucune chose que ce qu'on doit estimer d'un homme de bien. Je suis ici dans mon diocèse. J'y vis doucement parmi le contentement de mes livres et les actions de ma charge. » 11 ajoute même cette phrase, qui semble un peu singulière sous la plume de Richelieu je prie Dieu qu'il fasse du bien à ceux qui me font de mauvais offices 2. » Sa charité allait-elle jusque-là? On pourrait peut-être en douter. Quoi qu'il en soit, on ne saurait méconnaître l'accent de résignation pieuse qui se retrouve dans toutes ses lettres de cette époque. On dirait que le malheur n'a fait que raviver son zèle religieux et son dévouement au Roi. Il ne lui échappe aucune parole d'amertune ou d'aigreur il tient à désarmer ses ennemis à force de soumission et d'égalité d'âme. Je souhaite, dit-il à l'évêque de Paris, Henri de Gondi, que Leurs Majestés puissent avoir en toutes choses contentement et honneur, car pour les troubles que plusieurs craignent et prévoient tout ensemble, s'ils arrivent, je m'estimerai heureux d'être ici en repos, étant inutile à servir le Roi et doublement heureux pour avoir assurément du repos en ma conscience. Ainsi servant Dieu et mes amis, je suis résolu de couler doucement le temps parmi mes livres et mes voisins, et de faire, en vivant de cette façon, que nos t Avemel, Lettres de Rich., t. !•>, p. 348. 2 AVENEL, Lettres de Rich., t. I", p. 548. ennemis aient toujours plus de lieu d'envier mes actions que de les condamner 1. » Enfin, comme il se sait calomnié et qu'il tient à conserver, malgré tout, l'estime du Roi, il lui écrit, en septembre, une lettre très grave et en même temps très habile pour se justifier de toutes les accusations dirigées contre lui. Il s'attache surtout à bien établir sa parfaite obéissance c'est sur son ordre qu'il a suivi la Reine à Blois, et le jour où il a appris que sa présence auprès d'elle était désapprouvée, il s'est retiré à Coussay. Depuis ce temps-là, Sire, dit-il, j'ai vécu dans ma maison, priant Dieu pour la prospérité de Votre Majesté, recherchant parmi mes livres une occupation convenable à ma profession 2 » 11 est à croire que cette apologie ne produisit pas sur l'esprit du Roi le résultat qu'en attendait l'évêque de Luçon, car quelquesjours après celui-ci priaitson plus ancien et plus fidèle ami, le père Joseph, d'intervenir en sa faveur. Nulle part, plus que dans cette lettre, il ne révèle ses angoisses et son trouble il parle ici avec la simplicité qui convient quand on écrit à un confesseur et à un ami. Nul déguisement dans sa pensée, aucun mot pour donner le change sur ses véritables sentiments c'est le fond le plus intime de son âme qui se montre à nu. , Mon père, je veux vous témoigner par cette lettre que j'ai de la confiance en vous, puisque, bien qu'il y ait plus d'un an et demi que nous nous soyons vus 3, je veux vous écrire avec la même résignation que si nous n'avions bougé d'ensemble. Je suis si gros de déplaisir des calomnies que tous les jours on me met à sus que je veux 1 Avenel, t. 1", p. 557. 2Avesei,, Lettres de Rich., t. I", p. 5SJ. 3 Cette phrase prouve clairement que le P Joseph n'avait été appele à remphr aucun emploi pendant le premier ministère de Hichelieu. vous ouvrir mon cœur. Il y a quatre mois que je reçus du Roi commandement de m'en venir ici, où j'ai, depuis, pour la grâce de Dieu, vécu de telle sorte que j'estimais que nonseulement serais-je innocent devant Dieu, mais exempt de soupçon devant le monde. Cependant, on me dépeint à Sa Majestés des plus étranges couleurs qu'il est possible et me représente-t-on tout autre que je suis. Je me suis attaché aux controverses et n'ai sur mon honneur d'autre but que de servir Dieu et le Roi en cet exercice. Je ne cherche que le repos pour cet effet. Je vous proteste devant Dieu n'avoir eu ni n'avoir autre pensée ce qui paraîtra par le temps, ayant entrepris une œuvre contre l'hérésie que je n'achèverai point sans veilles. J'ai su que vous voyez et estimez grandement M. Déageant que j'ai toujours tenu pour être un de mes amis. Pour cet effet, je vous supplie de le conjurer, de votre part et de la mienne, de contribuer, en ce qui est en lui, qu'il plaise au Roi prendre une impression de moi conforme à la sincérité de mes actions, et de croire, ce qu'il verra toujours par effets, que j'aimerais mieux mourir que de manquer à son service. Vous en pouvez donner votre parole pour moi, et je vous assure que vous n'en serez point en peine, ayant ce que je dois en cela en telle recommandation que je me manquerais plutôt à moi-même que d'y manquer. Je n'eusse jamais cru que la passion de quelques-uns, qui ont entrepris de me faire de mauvais offices, eût eu tant de force contre mon innocence. Le temps fera connaître leurs bonnes intentions et justifiera les miennes. Ce m'est un grand crêve-cœur de voir que, travaillant contre l'hérésie, les huguenots prennent occasion de rabaisser ce que je fais contre eux par les mauvais bruits qu'ils répandent qu'on fait courir de moi dans la cour. Je vous assure encore une fois que je mourrais plutôt que de manquer à mon devoir envers le Roi, et à témoigner par toutes sortes d'effets à ceux qui m'obligeront tant que de lui faire perdre la mauvaise impression qu'on lui donne de moi, que j'aurai de cette obligation tout le ressentiment qu'ils sauraient s'imaginer 1. » La paix ne régnait donc pas absolument dans l'âme de Richelieu. Malgré la résignation un peu forcée dont il avait fait parade au début, il ne pouvait se faire à l'idée de perdre l'estime du Roi. C'était là surtout ce qui ulcérait son cœur. Etre écarté des affaires lui semblait peu de chose le mal qu'une intrigue avait fait, une autre intrigue pouvait le réparer. Il y avait toujours pour lui chance de rentrer en scène tant qu'il serait apprécié du Roi. Mais il redoutait, comme le plus grand malheur qui pût lui arriver, de passer aux yeux du prince pour un homme dangereux et intrigant. Voilà pourquoi il cherchait partout des appuis et des protecteurs qui pussent le justifier et se porter garants de sa fidélité. Nous dirons plus loin quels étaient ces travaux de controverse, auxquels il se livrait; constatons seulement ici que le malheur avait en quelque sorte amolli son âme et l'avait rendu singulièrement accessible à l'amitié. Il se montrait reconnaissant des moindres marques de sympathie, et les consolations qui lui arrivaient de toutes parts provoquaient chez lui des élans de gratitude un peu inattendus. En même temps, il comprenait mieux la vanité des grandeurs humaines, et toutes ses lettres de cette époque témoignent d'une piété et d'un détachement auquel l'écroulement 1 AVENEL, Lettres de Rich., t. VII, p. 48J. subit de ses rêves n'était sans doute pas étranger 1. Cependant, ses ennemis finirent par l'emporter. Exaspéré de toutes les attaques dont il était l'objet et des cabales qu'on lui imputait, il demanda au Roi de lui prescrire un lieu de résidence où il fût à l'abri de toute accusation Le désir que j'ai, lui dit-il, d'être non seulement exempt de mal, mais de soupçon, me fait avoir recours à un autre moyen, suppliant Votre Majesté, au cas que mon malheur empêche qu'elle ne puisse prendre confiance en moi, en ce lieu où elle apprendra, je m'assure, par toute personne non passionnée que je n'ai jamais eu d'autre dessein que de m'acquitter des fonctions de ma charge, de m'en prescrire tel autre qu'il lui plaira pour ma demeure, où je puisse vivre sans calomnie, comme je suis sans coulpe, l'assurant que, quel qu'il soit, je l'estimerai grandement heureux s'il me garantit de la perte de ses bonnes grâces, de la conservation desquelles je ferai toujours plus d'état que de celle de ma propre vie 2. » C'était une demande d'exil la réponse ne se fit pas attendre. Dans une lettre du 7 avril 1618 le Roi lui enjoignit de partir incontinent pour Avignon, sans quoi il aurait sujet d'y pourvoir par autre voie ». Son frère, le marquis de Richelieu, et son beau-frère, M. du Pont-Courlay, devaient l'accompagner 3. 1 Lettre au R. P. de la Chartreuse. Cependant je ne veut pas oublier de vous dire combien jî me tiens votre redevable du souvenir que vous avez eu de moi en un temps, où d'ordinaire, dans le monde, on perd la mémoire de ses amis. Le témoignage que vous m'avez rendu de votre charité, en me départant par vos lettres, devos saintes consolations, m'a confirmé en la résolution que j'ai prise de recevoir également la prospérité et l'affliction comme venant de la mai u de Dieu. • Avenel, t. l*r, p. 555. Ecrivant au P. Suffren, il lui dit Je supporte patiemment toutes les calomnies qu'on me met à sus, me confiant en mon innocence et estimant que Uieu le permet pour mon bien. Je m'assure que vous me favoriserez de vos saintes prières. » Avenel, t. 1", p. 558. 2 AVENEL, t. [• p. 56i. 3 Les deux e\ilts avaient d'abord reçu l'ordre du Itoi de se retirer dans leur Au moment de se mettre en route, l'évêque de Luçon écrivit de nouveau au Roi pour protester encore de son innocence et l'assurer qu'il fera toute diligence pour se conformer à sa volonté . Maintenant qu'il vous plaît que je parte pour m'en aller en Avignon, ne me restant point d'actions plus libres ni plus agréables que celles de vous obéir et servir, j'aurais déjà satisfait à ce nouveau commandement. si j'eusse eu des commodités présentes pour entreprendre un si long voyage, ou moyen d'engager et vendre tout à l'instant une partie du bien qui me reste mais, Sire, j'y obéirai si diligemment que Votre Majesté aura sujet de me continuer toujours la protection qu'il lui plaît me faire l'honneur de me promettre par sa lettre. Je n'aurais point le courage d'espérer cette grâce-là de Votre Majesté, si ma conscience accusait tant soit peu mes actions. Le temps et mes déportements, en quelque lieu qu'il vous plaise que j'aille, feront toujours paraître à mes ennemis qu'il n'y a rien au monde capable de corrompre ma fidélité ni d'altérer ma prudhommie i. » Richelieu resta près d'un an à Avignon. Pendant ce second exil, il se comporta avec la même réserve et la même prudence qu'à Coussay. 11 donna la meilleure partie de son temps à la composition d'un catéchisme devenu célèbre sous le nom d'Instruction du Chrétien. Nous dirons plus loin les mérites de ce livre, qui place son auteur au premier rang des écrivains religieux de son époque. La mesure prise à l'égard de l'évêque de Luçon fut 10 février 1618. Journal d'AntuuLD d'Ahuillï, p. 349. – Je ne fus pas surpris à la réception de cette dépêche, ayant toujours attendu de la lâcheté de ceux qui gouvernaient toute sorte d'injuste, barbare et déraisonnable traitement.» IUch. Mem. Coll. Slicb.. et Pouj., t. I", p. 4S3. 1 Avïnel, t. 1», p. 569. rement appréciée par le pape. La correspondance échangée entre M. de Marquemont, ambassadeur à Rome, et M. de Puisieux en fait foi. Et ces propos nous ayant portés àparler d'Avignon, Sa Sainteté me dit que, par ce dernier exécutoire, elle n'avait point reçu de lettre de son nonce, mais qu'elle avait appris par les bruits de Rome que Votre Majesté a fait commander à M. l'évêque de Luçon de sortir le royaume et se retirer en Avignon, qu'elle serait bien aise de n'avoir point ces personnes-là dans ladite ville. C'est le propre terme dont elle usa puis elle ajouta Que deviendra la résidence qu'il doit en son évêché? Et que dira le monde de le voir interdit d'aller où son devoir l'oblige? Au moins si l'on se fût servi de l'autorité du nonce à lui faire commandement. Il faut attendre que j'aie eu des nouvelles dudit nonce et que je sache comment cela s'est passé. » Je dis à Sa Sainteté que je m'assurais que lorsqu'elle aura des lettres dudit sieur nonce, elle demeurera contente pour ce regard, d'autant que ce que Votre Majesté a fait faire audit sieur évêque de Luçon, elle y aura sans doute été tirée par des fortes et puissantes raisons, étant impossible de le présumer autrement, attendu la justice et la piété qui paraît en toutes vos royales actions Que les évêques et prélats de l'Église doivent être les premiers à donner aux autres l'exemple de soumission et d'obéissance à leurs souverains et que, pour l'obligation de la résidence, ce même prélat s'en était dispensé il y a deux ans, ayant exercé une charge qui l'arrêtait nécessairement et continuellement à la Cour, qu'encore à cette heure il n'était pas dans son évêché, et qu'en tout cas il y a moins de mal qu'il soit absent de son diocèse que s'il y jetait pré- sent et qu'avec ses actions il continuât à donner du mécontentement à Votre Majesté. Que quant à la formalité, elle ne pouvait être plus douce que de lui avoir fait dire qu'il se retirât pour quelque temps en Avignon, comme en lieu où Sa Béatitude ayant toute autorité, le séjour en est honorable et commode à un ecclésiastique, et les officiers de Sa Sainteté peuvent être spectateurs et témoins de ses comportements, tant pour en donner compte à Sa Sainteté que pour en éclaircir et assurer Votre Majesté; que je disais tout cela de moi-même, n'en ayant commandement ni information quelconque de Votre Majesté, et n'ayant inclination qu'à honorer et servir ledit évêque de Luçon, quand il se traitera d'autre chose que du devoir et service dont je suis obligé à Votre Majesté. Au sortir de l'audience du pape, M. le cardinal Borghèse me parla longuement de cette affaire et me dit que l'exemple en est de très dangereuse conséquence, et que si un roi très chrétien et si pieux comme est Votre Majesté traite de cette façon les évêques, encore que ce soit avec raison, il se trouvera d'autres princes et potentats qui, à tort et sans cause, feront toutes sortes de violences et oppressions aux ecclésiastiques, qu'il me priait et conjurait de représenter cela efficacement à Votre Majesté et l'assurer qu'en telles occasions elle aura de l'autorité du Pape tout ce qu'elle voudra pour ce que Sa Sainteté n'aime point les esprits inquiets et remuants, et désire pour toutes choses le contentement de Votre Majesté et la prospérité de vos affaires. Rome, 17 mai 1618 1. » 1 Végociat. de de ilarquemont. Arch. de Lyon, 1617-18 pas de folio. Bibl. Mazatine. n° 1825. 11 ne sembla entrer sur les terres de l'Église que pour faire voir a Home qu'il meritait le chapeau.. Arsenal, 187, i° 3i. Le 5 juin 1618, M. de Puisieux écrivait àl'arch. de Lyon au nom du Roi Mais quant à vous, je n'estime pas vous devoir commander d'en faire autre instance et remontrance à Sa Sainteté. Après ce que vous lui avez déclaré, je m'ébahis bien fort qu'elle se soit aucunement formalisée du séjour de l'évêque de Luçon. Il ne pouvait être mieux qu'en terre d'Église. Mais tant s'en faut qu'il vaquât aux exercices de sa profession que j'ai découvert qu'il faisait pratiques préjudiciables à mon service. Aussi lui avez bien répondu, et faut que l'on lui ait fait entendre autrement. Louis BRUSLART, Saint-Germain-en-Laye, le 5 juin 161,8. » D'autre part, le cardinal Bentivoglio n'était pas moins formel à blâmer la mesure prise à l'égard de Richelieu. Sa Sainteté, écrivait le cardinal Bentivoglio 30 mai 1618, a estimé qu'elle n'entrait pas dans l'examen des causes qui avaient déterminé Sa Majesté à prendre cette résolution mais elle croyait à propos de déclarer quelorsqu'en cas semblable on veut procéder contre la personne des évêques, il serait convenable d'user des voies ordinaires, c'est-à-dire de recourir au Saint-Siège et à son nonce. Sa Sainteté a exprimé cet avis amicalement et en bons termes 1. » Le vice-légat qui gouvernait Avignon au nom du pape était Jean-François Bagny, homme, dit Richelieu, de grande probité et sincérité et de non moindre intelligence dans les affaires 2. » II fit bon accueil à l'évêque exilé et entra bien vite avec lui en relations étroites d'amitié. Il usa même de son influence pour décider Paul V à intervenir en faveur de Richelieu, et ce fut le nonce Bentivoglio qui fut 1 La Nunziatura di Francia del cardtnale Guido Benlivoglio. Firenze, 1803i870, n» il79. 2 Rich., Mémoires, Uv. XXI, p. 384. chargé de négocier cette affaire délicate. Celui-ci écrivait de Paris, le 4 juillet 1618, au secrétaire d'État Scipion Borghèse, qui était le neveu du pape Je vois ce dont Votre Seigneurie Illustrissime a cru devoir m'informerdans sa lettre du 30 mai concernant l'évêque de Luçon. Je ne manquerai pas de m'en prévaloir, mais au cas seulement où on me parlera de cet incident, car je n'estime pas à propos de m'en ouvrir le premier. Il s'agit là en effet d'une matière très délicate et qui exige beaucoup de circonspection et de dextérité. Je ne laisserai pas d'entretenir là-dessus, avec le vice-légat d'Avignon, toutes les correspondances nécessaires, en obéissant aux ordres de Votre Seigneurie Illustrissime. Voilà tout ce que je vois à répondre à votre susdite lettre et aux dépêches chiffrées concernant cet incident 1.» » Outre le palais du vice-légat, il faut croire que plusieurs maisons furent ouvertes à Richelieu. Il devait être recherché pour l'agrément de son commerce, et sans doute aussi pour l'importance du rôle qu'il avait joué. On a un témoignage certain des sympathies qu'il rencontra dans une lettre à son frère qui se trouvait alors à Paris avec la permission du Roi Je vous prie, lui dit-il, de m'envoyer une belle liacquenée, mais belle tout à fait s'il se peut. Je voudrais bien aussi que vous puissiez m'envoyer deux petites pièces d'orfèvrerie de cent écus les deux pour joindre à deux montres et quelques autres petites pièces que je veux donner au lieu que vous savez. » Il ajoute qu'il lui faut quelque chose qui soit en rapport avec sa condition; car il estime qu'il vaut mieux ne rien donner que de donner un maigre présent 2 ». 1 Sunzialura da Francia del cardinale Guido Bentivoglio, n' 1222. 2 Avrnel, t. I". p. 578. Nous ignorons à qui étaient destinés ces cadeaux. Mais il est évident qu'ils avaient pour objet de remercier de quelques services rendus, et ils nous permettent de supposer que Richelieu ne manqua pas de consolations ni de relations pleines de charmes pendant son séjour à Avignon. Malgré les sollicitations du nonce, du maréchal de Bassompierre et de plusieurs autres personnages, le Roi hésitait encore à rappeler l'évêque de Luçon, lorsque dans la nuit du 21 au 22 février 1619, Marie de Médicis,secondée parle duc d'Epernon, s'échappa du château de Blois. Cette fuite inattendue changea la face des affaires 1. Le trouble était extrême à la Cour. Luynes croyait déjà voir les grands en armes contre lui d'un bout à l'autre de la France. L'imminence du danger le fit consentir à négocier. Le comte de Béthune, frère de Sully, le cardinal de La Rochefoucauld et le P. de Bérulle furent envoyés successivement et sans succès auprès de Marie de Médicis. Il fallait quelqu'un de plus souple et de plus agréable à la Reine pour adoucir son esprit et la détourner des mesures violentes qu'on lui suggérait. Cet homme, personne n'en doutait, c'était l'évêque de Luçon. Le Père Joseph et l'abbé de la Cochère allèrent 1 Après l'évasion de Blois, Marie de Médicis avait pour ministre l'abbé Ruccellai, Florentin qui l'avait bien servie dans sa disgrâce, mais qui était vindicatif et ne voulait point faire de quartier aux ennemis de sa maîtresse. Comme ce feu était près d'embraser tout le royaume, on envoya pour l'éteindre plusieurs pacificateurs et entre autres du Perron, le jeune archevéque de Sens, le Père de Bérulle et le comte de BéLhune. La Cour ayant été avertie de l'obstacle que l'abbé Huccellai mettait à la paix, on prit le parti de faire revenir l'évêque de Luçon, parce qu'on savait le crédit qu'il avait sur l'esprit de la Reine. Il promit avant que sortir d'Avignon de porter cette princesse à la paix et il tint sa parole; car il ne fut pas plutôt arrivé à Angoulême que le traité fut conclu. L'abbé Ruccellai ayant été disgracié se retira auprès du duc de Luynes qui le reçut à bras ouverts. Cet abbé f it cause que le marquis de Thémines appela en duel le marquis de Richelieu qu'il tua. Vie msc. du card. de Richelieu, Arsenal, 190, t. 1", fo 3. Cette vie de Hicbelieu est de l'.ibbè de Longuerue elle a été imprimée dans le Recueil de pièce, intéressantes pour servir à l'hitloire de France, Genève, 1789, in-12. donc trouver le favori et lui demandèrent le rappel de Richelieu. Luynes comprit que c'était pour lui l'unique moyen de salut, et le jour même le Roi envoyait au prélat exilé l'ordre de se rendre auprès de Marie de Médicis 1. Ce rappel était pour Richelieu un coup de fortune absolument inespéré. Il allait rentrer en scène pour remplir une mission de confiance. La persécution etl'exil l'avaient mûri. Il se promettait bien cette fois d'obtenir, en échange de ses services, la pourpre cardinalice, qui seule pouvait le mettre à l'abri des disgrâces de palais 2. Il ne rentre pas dans notre sujet de raconter les événements politiques auxquels prit part l'évêque de Luçon, à partir de son retour auprès de la Reine. Tout le monde sait qu'à deux reprises il réconcilia la mère et le fils et qu'il fit preuve, dans ces négociations, d'une incomparable dextérité. A la suite du traité d'Angers, Marie de Médicis rentra au conseil, et Richelieu, que le mariage de sa nièce 3 avec le marquis de 1 Le Roi envoie M du T. M. du Tremblay, frère du P. Joseph, dont le nom de famille était le Clerc du Tremblay vers M. de Luçon pour lui commander d'aller trouver la Reine-mère à Angoulême. M. de Luynes écrivit la lettre et le Roi écrivit au bas M. de Luçon parti d'Avignon le jeudi 7 mars 1619 fut arrêté à Vienne par dix ou douze des gardes de M. d Alincourt, qui firent corps de garde la nuit devant son logis. M. d'Alinconrt avait reçu commaudementquelque temps auparavant. Puis il fut conduit à Lyon. M d'Alincourt lui envoya son carrosse, et après avoir vu son pouvoir de s'en aller, lui donna à dîner et l'alla conduire hors la ville après dîner. 11 devait arriver à Angoulèoie le 15. Journal d'AFtNAHLD d'ANDILLT, p 408. Voir aussi Fontenay-Muieuu., p. 411 Brienne, p. 340; RICHELIEU, p. 833. Le marquis de Richelieu et son beau-frère du Pont-Courlay étaient à Paris depuis le commencement de février avec la permission du Roi. Lettre Bouthillier. Institut, fonds GODEFROV, n» 268, f- 230. 2 S'il faut en croire l'allemant, on savait fort bien, antour de Richelieu, quel était l'objet de son ambition a Un jour que Boisrobert était avec le cardinal, alors évèque de Luçon, on apporta des chapeanx de castor. L'évèque en choisit un Me sied-il bien, Boisrobert ? Oui, mais il vous siérait encore mieux s'il était de la couleur du nez de votre aumônier. C'était M. Mulot, alors présent, qui depuis ne le pardonna jamais à Boisrobert » Tallemaut DES Réaoi, t. Il p. 386. 3. Cette nlece de Richelieu, Aille de Pont-Courlay, qui épousa le marquis de Combalet, et qui devint plus tard duchesse d'Aiguillon, reçut de Marie de Medieis, Combalet venait de rapprocher d'Albert de Luynes, reçut la promesse formelle du chapeau de cardinal. Malgré les satisfactions d'amour-propre que ces succès durent faire éprouver à Richelieu, son âme ne resta pas insensible à plusieurs deuils de famille qui le frappèrent cruellement pendant cette période de sa vie. On l'a vu plus haut, le 14 novembre 1616, quelques jours avant d'être nommé secrétaire d'État, il avait perdu sa mère sans avoir pu recevoir sa suprême bénédiction i. Le fragment de la lettre qu'il écrivit à son frère Alphonse pour lui annoncer cette mort, et que nous a conservé M. Avenel, témoigne de sa profonde affliction Mon cher frère, j'ai bien du regret qu'il faille que vous appreniez par cette lettre la perte commune que nous avons faite de notre pauvre mère, encore que je sache bien qu'elle vous sera d'autant plus supportable que vous étant déjà vous-même perdu au monde pour gagner le ciel, sa vie et ses œuvres vous sont des assurances certaines que vous l'y retrouverez, puisqu'en celle-ci Dieu lui a départi autant de grâces, de consolations et de douceurs qu'elle avait reçu en l'autre de traverses, d'afflictions et d'amertumes. Pour moi, je prie Dieu qu'à l'avenir ses'bons exemples et les vôtres à l'occasion de son mariage, livres de dot et écus de diamants. UoNNEAU-AvEiuNT, Vie de la duchesse d'A'guillon. 1 Les anciens registres de la paroisse de Braye-sous-Faye, où était situé le château de Richelieu, contiennent cette meation Le 14 novembre 1616, environ sur les dix heures du matin, s'en est allée de vie à trépas, noble dame Suzanne de la Porte, dame de Richelieu. » Avenel, Revue des quest. hist., t. VI, p. ISÎ. Afin de permettre aux membres de la famille, et en particulier à Armand retenu par des négociations diplomatiques, de se rendre à la sépulture, on la rémit au 8 décembre. On fit de somptueuses funérailles. 43. Le 11 septembre de la même année, il obtint également un arrêt qui rétablit le culte divin dans l'église de Mauchamp et défendit aux protestants de cette paroisse de troubler le curé dans l'exercice de ses fonctions et dans la perception de ses droits. Et comme la duchesse de Rohan persistait dans l'opposition, il lui fit signifier par le ministre Phelypeaux la défense de tenir le prêche dans l'église de Mauchamp. Archives de Poitiers. Seigneurie de Mauchamp. Dans l'acte de renonciation à son évêché, il s'était réservé sur les revenus une somme de livres; mais il voulut que cet argent fût employé à la restauration de la cathédrale et du palais épiscopal. Dans la suite, il abandonna entièrement son droit et laissa à son successeur la jouissance complète de son bénéfice. Enfin, par un arrêt du 30 décembre 1637, le Roi, à la recommandation du Cardinal, prenait le chapitre de Luçon sous sa sauvegarde spéciale. Cet acte avait une très grande importance parce qu'il mettait les maisons des chanoines et tous leurs biens à l'abri des exactions des gens de guerre I. A une époque où les logements de troupes étaient considérés par tout le monde comme une calamité, on comprend qu'une pareille faveur ait été très appréciée par le chapitre de Luçon, et n'ait fait que resserrer les liens de reconnaissance qui l'attachaient au Cardinal. Richelieu porta pendant quinze ans le titre d'évêque de Luçon. Durant les huit années qu'il résida dans son diocèse d'une manière à peu près continue, il y donna, nous l'avons vu, l'exemple de toutes les vertus épiscopales, se montrant appliqué à tous ses devoirs et soucieux du progrès l Dom Kunteseau, Papiers d'Aquitaine, t. XIV, l' 239. Bib. nat., fonds latin, n° 1831*9, f 96. religieux, moral et même matériel du peuple dont il était le pasteur. A partir de 1616, les tracas de la politique ne lui firent pas perdre de vue, comme on l'a dit, les intérêts de son diocèse. Sans s'astreindre à la règle de la résidence, il continua à veiller sur Luçon, comme l'attestent les services de tout genre qu'il se plut à rendre à cette petite ville. Parvenu au faîte des grandeurs humaines, il aimait à se souvenir de ces pauvres populations du bas Poitou auxquelles il avait donné les prémices de son zèle, de sa dévorante activité et de son génie, et la bienveillance qu'il leur témoignait était pour elles une protection toujours efficace. CHAPITRE IX RICHELIEU ORATEUR ET ÉCRITAIN Sommaire. La prédication sous Henri IV. ,– Sermons de Richelieu à Paris et à Luçon. Richelieu orateur politique. Analyse et appréciations de ses livres de controverse religieuse. A défaut de la politique, Richelieu aurait pu se faire un nom dans les lettres. Il avait fait de solides études, et ses succès à Navarre et en Sorbonne avaient éveillé en lui le désir de parvenir à la célébrité par l'éloquence et la controverse. Le goût et la préoccupation des affaires publiques le détournèrent de bonne heure de ce dessein; mais les preuves de talent qu'il avait données au début de sa carrière méritent qu'on s'y arrête et qu'on discute ses titres comme orateur et comme écrivain. En un temps où il n'y avait ni journaux, ni tribune, le prédicateur était le principal orateur orateur populaire par la variété de son public, orateur toujours respecté à cause de son caractère 1. Il était une puissance, parce qu'il était assuré d'avoir un public et que seul aussi il pouvait à peu près impunément exprimer son opinion sur les événements. On connaît les excès des prédicateurs de la Ligue ils avaient été absolument les maîtres de la capitale. Quand Henri IV rentra à Paris, il rendit une ordonnance très sévère contre ceux qui continueraient leurs prédications séditieuses. Dans l'Édit de Nantes, il inséra l'article suivant 1 D'Avensl, Richelieu etla monarchie absolue Rev. llisl., jauvier 87, p. 43. Nous défendons à tous prêcheurs, lecteurs ou autres qui parlent en public d'user d'aucunes paroles, discours et propos tendant à exciter le peuple à la sédition ains leur avons enjoint et enjoignons de se contenir et comporter modestement et de ne rien dire qui ne soit à l'instruction et à l'édification des auditeurs et à maintenir le repos et tranquillité par nous établis en notre dit royaume, sous les peines portées par les précédents édits 1. » Cette intervention du pouvoir porta ses fruits; car pendant le règne de Henri IV la prédication cessa d'être politique pour se renfermer dans son rôle religieux. Les orateurs chrétiens ne firent plus appel à la violence. Les discussions, naguère si ardentes et si haineuses, revêtirent des formes courtoises et polies. L'esprit de charité remplaça les âpres invectives et les fougueuses déclarations. Les idées de tolérance furent prêchées dans ces mêmes chaires où s'étaient fait entendre leurs ennemis les plus passionnés. La doctrine catholique fut exposée dans une langue digne d'elle et les vrais préceptes de l'éloquence sacrée furent enfin remis en pratique 2. Le terrain était donc pour ainsi dire déblayé de tous les abus et de tous les excès qui avaient déshonoré les chaires catholiques, et Henri IV, en ramenant la prédication à son caractère évangélique, avait non seulement servi les intérêts de sa politique, puisqu'il avait réduit au silence ses plus redoutables adversaires, mais il lui avait encore fait retrouver les saines traditions qu'elle avait depuis longtemps perdues. Le moment était donc propice pour ceux que l'on a si justement nommés les précurseurs de Bossuet 3. i Isambebt, Recueil des anciennes lois françaises, t. XV, p. 173. 2 Lézat, La prédication sous Henri IV. 3 Jacquinet, Des prédicateurs du XVII' siècle avant Bossue. Ces orateurs méritaient de sortir de l'oubli dans lequel ils étaient tombés. Quand on relit aujourd'hui le recueil de leurs sermons, on reste confondu de ce qu'ils avaient de science théologique et d'érudition. La forme est souvent défectueuse, et le goût peu sûr. Les sermons, dit M. Jacquinet, étaient remplis de pensées et de maximes d'auteurs anciens cousues à la morale des Pères, ou faisant cortège aux citations des Livres Saints. Ainsi orné par l'érudition du prédicateur, le sermon formait comme une longue et confuse galerie où se rencontraient, se heurtaient les noms les plus divers, les autorités les plus disparates. Qu'on se représente un pêle-mêle de citations et d'exemples où Martial donnait la réplique à Job, Aristote à Tertullien, où Mucius Scévola figurait à côté de saint Étienne, Phocion en regard de saint Paul, et même, faut-il le dire, Régulus auprès du Christ 1. » Mais ces fautes, qui sont celles de l'époque, ne sauraient faire oublier ni la vigueur de ces orateurs, ni leur logique serrée, ni la largeur de leurs vues, ni la sûreté et l'abondance de leur doctrine. Lorsque Richelieu débuta dans la prédication, il y trouva des émules et des maîtres d'une valeur et d'une autorité incontestées. Le P. Cotton était le prédicateur favori du Roi 2 c'était un homme poli, aimable, tolérant, mais dont les sermons, surchargés d'antithèses et de latinismes, étaient en outre gâtés par une foule de locutions venues du Limousin, sa province natale. Le P. Séguiran, également jésuite, aurait été le Bourdaloue de son temps s'il avait un pen moins abusé des distinctions subtiles et des termes scolastiques. Valadier, homme bouillant et emporté, s'était fait i Jàcquimet, p. 33 et 31. 2 On prétendait même qu'Henri IV n'entendait plus la vérité depuis qu'il s'était mis du coton dans les oreilles. une célébrité par ses images pittoresques, mais triviales, et par ses apostrophes bouffonnes. Cospéan, évêque d'Aire, était l'orateur le plus en vogue. C'est le vrai Paul de notre siècle, disait un contemporain, l'Aigle des prédicateurs, l'orateur le plus accompli que la France ait jamais eu. » Les discours de saint François de Sales, évêque de Genève, avaient un charme pénétrant qui faisait dire à du Perron Dieu a donné à M. de Genève la clef des cœurs. S'il ne s'agit que de convaincre, amenez-moi tous les hérétiques je me fais fort d'y résister. Mais s'il faut les convertir, amenezles à M. de Genève. » Du Perron était en effet le plus brillant champion du catholicisme. Son succès de Fontainebleau lui avait valu le chapeau de cardinal et une éclatante renommée d'orateur et de controversiste c'était le prélat le plus savant et le plus éloquent de France. On peut cependant lui reprocher certains abus d'esprit, des raisonnements peu justes à force d'être subtils, de la diffusion dans le style, une solennité exagérée et le désir constant de briller et d'éblouir ses auditeurs. Mais ces imperfections ne doivent pas faire méconnaître les services qu'il a rendus à la langue française. C'est à lui qu'elle est redevable de l'ampleur et de l'harmonie qui caractérisent déjà la prose de Balzac. Aussi a-t-on pu l'appeler le Malherbe de la chaire. En sa qualité d'aumônier du Roi ,du Perron exerçait une grande influence sur les prédicateurs de l'époque. Dans un sermon à Saint-Merry il recommanda un jour aux évêques et aux pasteurs de prêcher la Vérité, leur assurant que c'était la voie la plus sûre pour ramener les protestants, bien plus facilement par ces moyens lénitifs et charitables qu'on n'a fait par le fer et les armes, qui n'ont servi jusqu'ici, XII. 22 sinon de couper toutes les racines de la religion et de la police, et introduire l'athéisme aux choses spirituelles et l'anarchie aux temporelles » Il était facile de voir que par ces paroles si graves, du Perron ne faisait que traduire la pensée de Henri IV, et ici la religion et la politique étaient d'accord pour préférer la douceur et la persuasion à la violence et aux mesures de rigueur. Au premier rang de ceux qui écoutèrent les sages conseils de du Perron,il faut placer Richelieu. Il le prit pour modèle, et, à son retour de Rome, il lui demanda de diriger ses débuts dans la prédication. L'évêque de Luçon prêcha à la Cour à deux reprises différentes, la première fois en 1608, entre la soutenance de sa thèse et son départ pour son diocèse; la seconde fois en 1610, lorsqu'il vint à Paris pour tenter la fortune et essayer de gagner la faveur de Marie de Médicis. En vertu de sa charge de grand aumônier de France, du Perron désignait les prédicateurs qui devaient se faire entendre à la Cour. L'évêque de Luçon parla plusieurs fois devant le Roi pendant le carême de 1608. Nous avons même une lettre où il demande à du Perron d'être dispensé de l'allocution du jeudi saint, se réservant de prêcher le jour de Pâques. Cette lettre, pleine de déférence pour l'évêque d'Évreux, vaut la peine d'être citée. Monseigneur, ayant su depuis votre partement par le sieur du Peyrat, que vous désirez que j'officie à cette fête de Pâques devant Sa Majesté, j'ai cru devoir vous assurer par cette lettre que, faisant état d'obéir toute ma vie à vos commandements, je tâcherai en cette occasion de vous en rendre preuves par effet, exécutant ceux que j'ai reçus de votre part. Mais d'autant, Monseigneur, que depuis quinze jours, je suis travaillé d'une fièvre lente réglée en tierce, dont je souhaite plus la fin qu'on ne me la fait espérer, d'autant qu'elle n'est pas violente, j'ai cru devoir savoir de vous, si, au cas qu'elle me continue, vous trouveriez bon qu'en la cérémonie du lavement des pieds, qui sera le jour de mon accès, le Père Cotton fit l'exhortation au Roi, me réservant de faire celle du jour de Pâques, qui me sera libre, et la prédication l'après-dînée. Vous m'honorerez, s'il vous plaît. sur cela de votre volonté, et croirez, Monseigneur, que je forcerai mon mal le plus qu'il me sera possible pour tâcher de la suivre de point en point; vous assurant que les grandes et rares qualités qui se trouvent en vous seul m'ont tellement gagné que je veux faire gloire de vous admirer et de me faire connaître en toutes occasions, Monseigneur, votre très humble, très affectionné et très obéissant serviteur. ARMAND, évêque de Luçon 1. » Richelieu reparut à la Cour en 1610, et à partir de cette époque il se fit entendre chaque année dans les plus importantes chaires de Paris. Il prêcha, dit André Du Chesne, avec des discours animés d'une si grande éloquence et d'un zèle de piété si ardent qu'il attira l'admiration de toute la Cour. Mais surtout les prédications qu'il fit en l'église Saint-André-des-Arcs ravirent tellement les cœurs du Roi et de la Reine-mère, qui l'honoraient souvent de leur présence, qu'ils disent publiquement n'avoir jamais prêté l'oreille à personne dont les paroles leur eussent touché plus vivement l'âme 2. » J AVENEL, t. VII, p 317. 2 André Du Chesne, Ilisl. généalogique de la maison du Plessis-Richelieu 1D31. Jam quadragesimale stadium eruditis concionibus percurrerat harum famam admiratio auditorum parturit et ad nos transmisit. Frequens olim et princeps et admiratio ~uditorum parturit et ad nos transniisit. Frequens oMm et princeps et Regiua interfuerant. Jam aula tota conferlim ruebat. Quisquis demqne aulerudi lionis aut acuminis aut veuustœ orationis curiosus advolabat; ut vix locus is apud Les liens de reconnaissance et d'affection qui unissaient André Du Chesne au Cardinal rendent son témoignàge un peu suspect. Il est surtout difficile d'admettre que le jeune Roi, qui était un enfant de dix ans, ait eu le cœur ravi par l'éloquence de Richelieu d'ordinaire, ces sortes de ravissements sont rares chez les enfants de cet âge. Je croirais plus volontiers que Louis XIII était surtout sensible à la longueur des sermons qu'on lui faisait subir, témoin cet extrait du journal d'Héroard Le 18 avril 1612, dimanche, le Roi va à Saint-Andrédes-Arcs au sermon de M. de Richelieu, évêque de Luçon, puis à l'hôtel et parc du Luxembourg. Le 22, mené chez la Reine. Elle dînait. Quelqu'un vint lui dire que M. l'évêque de Luçon ne prêcherait pas, et s'il lui plaisait que l'on avertit le P. Cotton. La Reine répond Oui, mais il n'est pas préparé. J'en suis bien aise, dit le Roi, il ne sera pas si long 1. » Puisque nous parlons des témoignages relatifs à l'éloquence de Richelieu, rappelons ceux que lui rendaient ses amis. L'abbé de la Cochère avait une si bonne opinion des talents oratoires de son évêque, qu'après avoir parlé des prélats choisis pour faire l'oraison funèbre de Henri IV, il ajoutait Ç'eussent été des actions dignes de vous, si;vous vous fussiez trouvé ici. » Deux ans après, l'évêque de Bayonne lui écrit qu'à la Cour il est question de l'envoyer à La Rochelle pour convertir les protestants. Sous Henri IV S. Andream ab arcubus erat numero auditorum nec horum spiritus admiration, safficeret. Abbé DE Puni, l'ila em. cnrd. Richehi, p. 61 Ses talents pour la chaire firent un si grand bruit qu'il fut prié d'aller prêcher Paris. Il y prêcha un Ëvent à St-André-des-Arcs, en 1610; la Cour en fut charmée, et le Roi et la Reine sa mère l'honorèrent souvent de leur présence. » Vie manuscrite du card. Rich. Arsenal, 186, I' G. 1 Journal de Jean Héroard, Didot. le P. Seguiran avait été chargé d'une semblable mission. Il n'est donc pas impossible que le gouvernement de la Régente ait eu la pensée de renouveler cette tentative, qui aurait été aux yeux des Huguenots la meilleure garantie de ses intentions pacifiques. Si ce dessein ne fut pas exécuté, il faut au moins retenir que Richelieu fut désigné pour cet emploi qui demandait beaucoup de tact, de vastes connaissances et une véritable éloquence. Mais pour apprécier les talents oratoires de Richelieu nous avons mieux que les témoignages de ses contemporains nous avons deux sermons de lui. L'un, publié par M. Hanotaux, à la suite des Maximes d'État et Fragments politiques 1, est une allocution prononcée par le Cardinal, le 15 août 1626, au moment de donner la communion au Roi, à la Reine-mère et à Gaston d'Orléans. C'était au lendemain de la conspiration de Chalais. Le frère du Roi était rentré en grâce en trahissant tous ses amis. Comme le Cardinal lui savait l'âme faible et timorée, il voulut l'épouvanter par les menaces de la colère céleste. Après quelques développements sous forme d'antithèses, tirés de la fête du jour, il prononça avec une vigueur particulière ces mots qui étaient destinés à terrifier le malheureux Gaston Au même temps que Dieu s'unit dans le ciel à celle qui est, comme j'ai déjà dit, sa mère et sa fille tout ensemble, au même temps vous unit-il en terre et votre mère et celui que vous aimez et traitez comme votre fils, fils qui vous doit aimer, respecter et craindre toute sa vie, non seulement comme son vrai Roi, mais comme son vrai père, et qui ne peut faire autrement sans avoir lieu d'appréhender une seconde descente du 1 Documents inédits sur niist. de France. Mélanges, t. 111, p. 705. grand Dieu sur sa personne, non en manne, comme celle d'aujourd'hui, mais en feu et en tonnerre 1. » A part ces mots, où l'on sent passer comme un frisson de colère, le reste du discours est sec et froid. La langue est vigoureuse et précise, la doctrine élevée, les rapprochements ingénieux, la phrase vive et dégagée. Mais on n'y trouve aucune chaleur. Ce n'est pas l'effusion d'un cœur d'apôtre, comme on pourrait s'y attendre au moment de la communion; c'est le langage un peu maniéré d'un Ministre qui met les influences de la religion au service de sa politique. Mais à l'époque où Richelieu était évêque de Luçon et où il adressait la parole sainte aux fidèles de son diocèse, il savait trouver des accents qui conviennent mieux à un pasteur. Nous en avons pour preuve ce sermon, récemment découvert2, qu'il prononça dans sa cathédrale le jour de la fête de Noël venait d'arriveràLuçon quelquesjours auparavant, et il voulait profiter de la solennité de cette fête pour parler aux catholiques de sa ville épiscopale. Ce discours, que le jeune évêque avait sans doute longuement préparé, puisque c'était lapremière fois qu'il allait paraître dans la chaire de sa cathédrale, nous permet de juger les défauts et les qualités de sa méthode oratoire. Après avoir brièvement commenté le texte qu'il a choisi Et verbum caro factum est, il indique la raison qui l'a décidé à prendre la parole C'est pourquoi voyant qu'il a plu à Dieu de me donner la charge de vos âmes et par conséquent me rendre pasteur, je me suisrésolu, me rencontrant ce jourd'hui si heureusement en ce lieu, d'embrasser l'oct Documents inédits sur tllist. de F/'ance. Mélanges, t 111, p. 811. î Ce sermon enr la Nativité a été publié par le P. Ingold de l'Oratoire, dans la Semaine catholique du diocése de Luçon, le 22 décembre 1888. casion que la fête me donne d'y faire naître en même temps que mon Sauveur est né le premier témoignage de l'affection quej'ai à son saint service, particulièrement en ce qui est de l'édification de vos consciences. » Après cette phrase qui est la seule note personnelle du discours il aborde les plus difficiles problèmes de la théologie relatifs à l'incarnation du Verbe, et j'avoue que pour toute cette première partie je souscris volontiers au jugement de M. Hanotaux. Il s'embarrasse dans le fatras dont les prédicateurs goûtés à la Cour étaient coutumiers antithèses outrées, usage fastueux des métaphores sans application et sans grâce, lourdeur qui n'est pas de la majesté, raffinement dans les paroles qui n'est pas de la finesse dans les pensées, amphigouri, pédantisme et sécheresse, tels sont les caractères de ces développements oratoires, secs, pénibles et heurtés, qu'on ne lirait pas si on ne savait de quelle main ils sont sortis 1. » Mais la seconde partie, par son caractère pratique et par la précision de l'idée et même par le mouvement du style, échappe à tous ces reproches. La transition en particulier est ingénieuse et pleine de grâce poétique Le prophète Ézéchiel vit quatre animaux qui avaient les ailes, les pieds et la face d'hommes. C'est la vraie figure de ceux qui annoncent la parole de Dieu. Il faut qu'avec les ailes d'une sainte méditation ils s'élèvent en la contemplation plus relevée pour satisfaire aux doctes, et que par après ils s'abaissent pour cheminer avec le peuple, et qu'ils se rendent si intelligibles que les moins instruits puissent tirer du fruit de leurs discours. C'est à ce propos que saint Augustin dit Patiantur columhse dum pascuntur t Hanotaux. Mélanges, t. III, p. 810. aquilœ, patiantur aquilœ dum pascuntur columbœ. Que les colombes aient patience pendant qu'on repaît les aigles et que les aigles souffrent à leur tour qu'on repaisse les colombes. » Cette seconde partie, destinée aux colombes », a quelque chose de pastoral qui n'est pas sans éloquence. L'orateur montre que Dieu aime l'homme au point de vouloir habiter dans son cœur. Je m'assure, s'écrie-t-il, qu'il n'y a personne en cette assemblée qui pour le moins une fois en sa vie, étant touché d'un véritable repentir de ses offenses, ne se soit aperçu sensiblement d'avoir son Dieu pour hôte Oh que c'est chose douce de faire naître en nous celui qui a sauvé le monde, de loger en nos cœurs celui que tous les cieux ne peuvent contenir! J Mais, de même que Jésus-Christ, en venant sur la terre, y apporta la paix, il faut, pour qu'il demeure en nous, que nous fassions régner la paix dans nos âmes.» Et ici, Richelieu parle des bienfaits de la paix avec une vigueur et une netteté de langage quirévèlentl'homme politique. Dieu, ditil, par sa bonté a tellement favorisé les armes de notre Roi qu'apaisant les troubles il a mis fin aux misères de son État. Nous ne voyons plus la France armée contre soi-même et épancher le sang de ses propres enfants. La paix est en ce royaume, mais ce n'est point assez pour inciter le doux Jésus à venir faire sa demeure avec nous. Il faut qu'il soit en nos villes, en nos maisons, et principalement en nos cœurs. » Mais pour lui la paix, c'est l'unité et l'ordre. La paix publique, dit-il,s'entretient par l'obéissance que les sujets rendent à leur prince, se conformant entièrement à sa volonté en ce qui est du bien de son État. » La paix se maintient aux villes lorsque les personnes privées se contiennent modestement dans le respect qu'elles doivent aux lois et aux ordonnances de ceux qui ont autorité. La paix est aux maisons quand ceux qui demeurent ensemble vivent sans envie, sans querelle, sans inimitié les uns contre les autres. La paix est en nos cœurs lorsque la raison commande comme reine et maîtresse, que la partie inférieure qui contient le peuple séditieux de nos appétits obéit et que toutes deux se soumettent à la raison éternelle, de laquelle la nôtre emprunte ce qu'elle a de lumière. Tout ce développement sur la paixade l'ampleur et de la force, onsentque l'orateur setrouvaitsurunterrainquiluiétaitfamilier. Il tient à prouver que chefd'un diocèse où les dissidents religieux sont en grand nombre, il ne négligera rien pour vivre en bonne intelligence avec eux. Je proteste, dit-il, que j'emploierai si peu que j'ai d'esprit, si peu que j'ai de force, pour maintenir l'union de laquelle dépend notre conservation. » Nous pouvons maintenant nous faire uneidée assez exacte de l'éloquence religieuse de Richelieu. Assurément il n'avait ni l'onction de saint François de Sales, ni la chaleur mystique du cardinal de Bérulle; mais il me paraît difficile de lui reprocher, comme on l'a fait, l'insuffisance de son éducation littéraire 1. Ce discours est l'œuvre d'un esprit remarquablement lucide et méthodique, qui met de l'ordre et de la symétrie dans ses développements, et qui exprime ses idées dans une langue correcte, précise et surtout nerveuse. Sans doute on n'y trouve pas les élans d'un apôtre, ni même cette allure et ce mouvement qui sont le propre de l'orateur. Mais c'est la parole d'un homme de raison qui prouve tout ce qu'il avance, qui cherche avant tout à instruire ses audii Hanotaci, Mélanges, t. III, p, 810. teurs et parfois, par la force même que donne la vérité, réussit à les émouvoir. Par tempérament, par goût et plus encore par les qualités et les défauts de son esprit, Richelieu était plutôt un orateur politique. Il le prouva bien aux États généraux. J'ai donné ailleurs l'analyse du discours qu'il y prononça. qu'on me permette d'y revenir pour en discuter les mérites littéraires. On peut d'abord affirmer que la harangue de l'évêque de Luçon a une grande supériorité sur celles de tous les autres orateurs qui se firent entendre dans cette assemblée. Ni Savaron, ni Seneçay, ni Robert Miron lui-même ne parlèrent comme lui en hommes d'État. Le passage où Richelieu s'élève contre les excès des protestants et contre la prodigalité des bénéfices ecclésiastiques est animé du souffle de la plus haute éloquence. Sa protestation contre les duels n'est pas moins belle. Enfin, le compliment à la Reine-mère est un chefd'œuvre d'habileté, de finesse, de flatterie discrète et délicate. On devine que Richelieu tient à la charmer et à mériter ses bonnes grâces. Mais si ces trois morceaux sont d'un éclat qu'il faut signaler, il y a dans le reste du discours bien des endroits qui sont faibles et où l'on ne retrouve que les procédés d'une rhétorique creuse et banale. L'exorde en particulier, où l'orateur compare la tenue des États à ces solennités païennes, durant lesquelles les esclaves pouvaient impunément dire la vérité à leurs maîtres, serait simplement ridicule si l'on ne se rappelait que le goût de l'époque aimait ces sortes d'amplifications et de rapprochements. Parfois aussi, il se laisse aller à des entassements de mots et de métaphores, à une emphase de langage qui trahissent le jeune homme, et dont il ne se dépouilla jamais complètement. Ainsi, après avoir dit que, dans certaines provinces, les églises sont au pouvoir des protestants, il s'écrie C'est une chose lamentable d'ouïr que les lieux saints soient ainsi souillés mais les cheveux me hérissent, l'horreur me saisit, la voix me 'manque quand je pense à exprimer l'indignité d'un forfait si exécrable. » Et un peu plus loin Je pâlis, je frémis en le disant. 0 patience indicible du ciel Que la terre ne s'est-elle ouverte pour engloutir ces monstres en leur naissance On pourrait presque croire que ces phrases sont empruntées aux sermonnaires de la Ligue. La véritable indignation dédaigne ces figures outrées et ces exagérations de commande elle n'est éloquente que lorsqu'elle est simple et naturelle. Un autre défaut qui peut être encore signalé dans cette harangue, c'est l'amour excessif d'une vaine érudition. Pourquoi, par exemple, remonter aux druides pour prouver que les prêtres ont toujours été appelés dans les conseils des Rois? Pourquoi aussi cette longue énumération de témoignages empruntés aux Pères de l'Église et aux conciles pour condamner les empiétements des tribunaux laïques sur la juridiction ecclésiastique ? Toute cette science d'aspect un peu pédantesque serait beaucoup mieux à sa place dans une dissertation théologique que dans un discours politique adressé à un Roi de treize ans, à une femme, et à des ministres qui, à coup sûr, devaient être peu familiers avec la patrologie et le droit canon. Mais ce sont là des défauts pour ainsi dire accessoires et qui ne sauraient faire tort aux qualités de style que l'on remarque dans ce discours. L'ordre y est parfait et tout s'en- chaîne avec une logique très serrée. Il faut aussi admirer çà et là quelques phrases brèves, simples, qui sont de véritables formules politiques,et qui indiquent une grande habitude de réflexion et une étonnante maturité d'esprit. La langue est toujours limpide et forte dans sa précision. Quand Richelieu se sera dépouillé du goût des ornements de convention, quand il aura donné à sa phrase un tour plus sobre et plus concis, quand surtoutil aura à exprimer des idées qui lui tiendront à cœur, sa parole sera celle d'un de nos plus grands orateurs politiques. D'ailleurs c'est bien ainsi que l'ont jugé les contemporains. La Mothe Le Vayer, en lui dédiant ses Considérations sur l'éloquence française de ce temps, lui disait A qui puis-je adresser mon travail plus raisonnablement qu'à celui qui, dans une parfaite connaissance de ce que les Grecs et les Latins ont eu d'artifice au parler, possède toutes les grâces de noire langue? Et de qui dois-je attendre une plus puissante protection que de celui dont les écrits et la vive voix nous ont fourni les principaux ornements de notre éloquence aussi bien que de notre morale; nous donnant, tant pour le bien dire que pour le bien vivre, les meilleurs préceptes que nous ayons ? II y abien plus, Monseigneur pour ce que je n'ai rien dit dans tout cet ouvrage de l'éloquence animée de l'action, j'ai cru satisfaire aucunement à ce qui était au-dessus de mes forces par l'inscription de votre grand nom qui contient en soi ce que Quintilien disait de Cicéron, nous apprenant que, de son temps, il n'était plus le nom d'un homme, mais bien de cette divine éloquence dont il nous a laissé une si belle idée. Ceux qui seront assez heureux pour se pouvoir représenter l'agréable ton de vos paroles, les mouvements réglés'de toute votre personne, et le reste des grâces qui ont toujours accompagné ces immortels que vous avez si souvent prononcés avec admiration dans les plus notables assemblées de la France, n'auront pas besoin de préceptes pour ce regard, et il suffit qu'Us en reçoivent un de moi qui comprend en soi tous ceux de la Rhétorique, de se mettre toujours votre belle image devant tes yeux, s'ils veulent suivre un modèle parfaitement accompli i. » Dans cette dédicace, il faut évidemment faire une large part à la flatterie, et jamais la pensée ne nous viendra de comparer Richelieu à Cicéron au point de vue de l'éloquence. Mais du moins le témoignage de Le Vayer prouve que le Cardinal avait la réputation d'être orateur. Assurément, il ne l'aurait pas loué d'une qualité qui lui aurait complètement manqué; car alors son compliment eût été une épigramme, et il savait que les épigrammes étaient peu goûtées du grand ministre. Le mérite de Richelieu comme écrivain était encore moins contesté. Nouslisons, eneffet, danslaLettredéchiffrée1627, qu'on admirait les livres de controverses qu'avait publiés le Cardinal et que les vers auxquels il consacrait ses loisirs étaient trouvés << clairs, purs et coulants ». S'il faut en croire les ~a~ctmes et instructions pour se con~Mt't'co Cour, Richelieu avait entrepris dans sa jeunesse d'écrire l'histoire de Henri IV. C'est même en vue de ce livre qu'il avait pris l'habitude de consigner par écrit tous les traits qu'il recueillait dans ses lectures ou dans ses conversations. Aussi n'est-il pas invraisemblable qu'il ait songé a réunir toutes ces notes éparses pour en composer un ouvrage à. l'éloge du prince qui lui avait donné tant de marques i LA MoTttE LE VAYER, partie, t. !, p. i86. Dreade, t7S6. de bienveillance et d'affection 1. Nous ignorons s'il a écrit cette histoire en tout cas, elle ne nous est pas parvenue. H estassez probable que, dans la suite, il aura utilisé ces documents pour rédiger le premier livre de ses Mémoires où il est presque exclusivement question de Henri IV. La seconde année de son épiscopat, Richelieu publia des Ordonnances synodales 1609. Mais cet opuscule, qui a uniquement pour objet de réformer certains abus dans le diocèse de Luçon, est sans aucune valeur littéraire. Nous l'avons étudié plus haut à titre de document historique, en faisant remarquer que s'il n'avait pas eu Richelieu pour auteur, il serait tombé dans le plus profond oubli. Il fallut la disgrâce de 1617 pour fournir à l'évêque de Luçon l'occasion et le loisir de publier deux ouvrages, sur lesquels se fonde saréputation d'écrivain. Le premier parut en octobre 1617, sous ce titre Les principaux points de la foi de l'Église catholique, .M/<3HdtM contrel'écrit adressé au Roi par les quatre ministres de Charenton. Voici dans quelles circonstances l'évêque de Luçon fut amené à publier ce livre de polémique religieuse contre les protestants. Le duc de Luynes avait éloigné le Père Cotton qu'il jugeait trop favorable à la Reine, et il l'avait remplacé par le Père Arnoux. Il comptait bien que ce religieux, à qui il venait de donner le titre de confesseur du Roi, serait un docile instrument. Aussi l'employa-t-il dans certaines négociations délicates auprès de la Reine-mère dont il fallait sonder les dispositions et deviner les desseins. Ce P. Arnoux, que l'auteur de l'llistoire de l'Edit de ~Va?tM appelle tout uniment un scélérat, s'était acquis quelque ~ Il y est fait allusion à deux reprises dans les /fts e lyco collège saint louis la roche sur yon